Dedh 2013 - Fiche 4

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droit europeen des droits de l'homme

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Année Universitaire 2013/2014
Licence III – Semestre II
DROIT EUROPEEN DES DROITS DE
L’HOMME
Cours de M. le Professeur Corneliu-Liviu POPESCU
Travaux dirigés de M
me
Carmen Achimescu, Docteur en Droit
Séance n°4 : Les restrictions aux droits
DOCUMENTS FOURNIS
I. La restriction volontaire des droits garantis
Les droits susceptibles de dérogation
 Document n°1 : CEDH, Poitrimol c/ France, arrêt du 23.11.1993
 Document n°2 : CEDH, Nagula C/ Estonie, décision du 25.10.2005
 Document n°3 : CEDH, De Wildes, Oms et Versyp c/ Belgique, arrêt du 18.06.1971
Les droits insusceptibles de dérogation
 Document n°4 : CEDH, Pretty c/ Royaume-Uni, arrêt du 29.04.2002
II. Les restrictions imposées
Les ingérences en cas de circonstances exceptionnelles
 Document n°5 : CEDH, Brannigan et Mc Bride c/ Royaume-Uni, arrêt du 26.05.1993
 Document n°6 : CEDH, A. et autres c/ Royaume-Uni, arrêt du 19.02.2009
Les ingérences au nom de la défense des valeurs dans une société démocratique
 Document n°7 : CEDH, Garaudy c/ France, décision du 24.06.2003
Les ingérences en application de la clause des mesures nécessaires dans une société démocratique
 Document n°8 : CEDH, Rekvény/ Hongrie, arrêt du 20.05.1999
 Document n°9 : CEDH, Darby c/ Suède, arrêt du 23.10.1990
 Document n°10 : CEDH, HandySide c/ Royaume-Uni, arrêt du 07.12.1976
 Document n°11 : CEDH, Hirst c/ Royaume-Uni, arrêt du 06.10.2006
 Document n°12 : CEDH, Animal Defenders c/ Royaume-Uni, arrêt du 22.04.2013
 Document n°13 : CEDH, Avis sur le projet de Protocole no 15 à la Convention
européenne des droits de l’homme, adopté le 6.02.2013


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RESSOURCES COMPLEMENTAIRES ET BIBLIOGRAPHIE
 Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales telle
qu’amendée par le Protocole n° 14 (articles 5, 6, 8, 9, 10, 12)
 F. SUDRE, « Droit européen et international des droits de l’homme », Paris, 2011, Presse
Universitaire de France, 11
ème
édition
 F.SUDRE, J-P MARGUENAUD, J. ANDRIANTSIMBAZONVA, A. GOUTTENOIRE,
M. LEVINET, « Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme », Paris,
2009, Presse Universitaire de France, 5
ème
édition, Collection Thémis Droit

DIRECTION D’ETUDE
 Faire des fiches d’arrêt pour les extraits de jurisprudence proposés
 Dissertation : « La marge nationale d’appréciation dans le cadre du contrôle des mesures
nécessaires dans une société démocratique »

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I. Les dérogations volontaires
Les droits susceptibles de dérogation volontaire
 Document n°1 : CEDH, Poitrimol c/ France, arrêt du 23.11.1993
I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 PARAS. 1 ET 3 c) (art. 6-1, art. 6-3-c)
28. M. Poitrimol reproche à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de l’avoir condamné en son absence sans que son
avocat ait pu présenter ses moyens de défense. Il se plaint en outre de s’être vu refuser l’accès à la Cour de
cassation au motif qu’il n’avait pas obéi au mandat d’arrêt décerné contre lui. Il y aurait eu violation des paragraphes
1 et 3 c) de l’article 6 (art. 6-1, art. 6-3-c) de la Convention, ainsi libellés:
"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...)
du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)
(...)
3. Tout accusé a droit notamment à:
(...)
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (...)
(...)"
Le Gouvernement combat cette thèse, mais la Commission y souscrit.
29. Comme les exigences du paragraphe 3 de l’article 6 (art. 6-3) s’analysent en aspects particuliers du droit à un
procès équitable garanti par le paragraphe 1 (art. 6-1), la Cour examinera les griefs sous l’angle de ces deux textes
combinés (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt F.C.B. c. Italie du 28 août 1991, série A no 208-B, p. 20, par. 29).
30. La présente espèce se distingue des affaires Goddi, Colozza, F.C.B. et T. c. Italie (arrêts du 9 avril 1984, série A
no 76, p. 10, par. 26; du 12 février 1985, série A no 89, p. 14, par. 28; du 28 août 1991, précité, série A no 208-B, p.
21, paras. 30-33; du 12 octobre 1992, série A no 245-C, p. 41, par. 27) en ce que le requérant avait reçu notification
de chacune des dates d’audience, dont celle du 4 février 1987 devant la cour d’appel, et décida lui-même de ne pas
comparaître.
31. Une procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en principe incompatible avec la Convention s’il
peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau, après l’avoir entendu, sur le bien-fondé de
l’accusation en fait comme en droit (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Colozza précité, série A no 89, p. 14, par. 27, et p.
15, par. 29). On peut se demander si cette dernière exigence subsiste quand l’intéressé a renoncé à son droit de
comparaître et de se défendre, mais quoi qu’il en soit pareille renonciation doit, pour entrer en ligne de compte sous
l’angle de la Convention, se trouver établie de manière non équivoque et s’entourer d’un minimum de garanties
correspondant à sa gravité (arrêt Pfeifer et Plankl c. Autriche du 25 février 1992, série A no 227, pp. 16-17, par. 37).
32. En l’occurrence, le requérant avait clairement manifesté la volonté de ne pas se rendre aux audiences d’appel
des 10 septembre 1986 et 4 février 1987, donc de ne pas se défendre lui-même. En revanche, il ressort du dossier
qu’il entendait être défendu par un avocat, mandaté à cette fin et présent auxdites audiences.
La question se pose dès lors de savoir si un accusé qui évite délibérément de comparaître reste en droit d’"avoir
l’assistance d’un défenseur de son choix", au sens de l’article 6 par. 3 c) (art. 6-3-c).
33. Le Gouvernement souligne que ce texte parle d’"assistance" et non de "représentation". En droit français, le
premier terme impliquerait la présence du justiciable aux côtés de son avocat, le second son remplacement juridique
par celui-ci. En matière pénale, la comparution personnelle constituerait le principe, énoncé à l’article 410 du code
de procédure pénale. Y renoncer signifierait renoncer à se défendre: M. Poitrimol, qui n’ignorait pas les
conséquences attachées à son attitude, se serait mis de son propre chef dans la situation d’être jugé par la cour
d’appel sans audition de son conseil, Me Schmerber; il en porterait la responsabilité. Si la voie de l’opposition
s’ouvrait à l’individu en fuite, les procédures pénales n’auraient pas de fin, ce dont pâtiraient les victimes.
D’après le requérant, ce raisonnement se heurte à la résolution (75) 11 du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe "sur les critères à suivre dans la procédure de jugement en l’absence du prévenu": aux termes de la
cinquième des neuf "règles minimales" recommandées aux États membres, "lorsque le prévenu est jugé en son
absence, il est procédé à l’administration des preuves dans les formes usuelles, et la défense a le droit d’intervenir".
Que la cour d’appel d’Aix-en-Provence et la Cour de cassation aient statué sans offrir au requérant la possibilité de
se faire représenter, de déposer des conclusions par l’intermédiaire de son conseil et d’en obtenir la prise en
compte, méconnaîtrait la lettre et l’esprit de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s’agirait d’un système de
contrainte, parce que conçu pour obliger l’accusé à comparaître et à se prêter ainsi à l’exécution du mandat d’arrêt
décerné contre lui.
34. La Cour ne peut adopter l’interprétation étroite que le Gouvernement donne au mot "assistance". Quoique non
absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi
les éléments fondamentaux du procès équitable. Un accusé n’en perd pas le bénéfice du seul fait de son absence
aux débats (arrêts Campbell et Fell c. Royaume-Uni du 28 juin 1984, série A no 80, p. 45, par. 99, et, mutatis
mutandis, Goddi, précité, série A no 76, p. 12, par. 30, et F.C.B., précité, série A no 208-B, p. 21, par. 33). En
l’occurrence, il échet de déterminer si la cour d’appel d’Aix-en-Provence pouvait, en vertu de l’article 411 du code de
procédure pénale, en priver M. Poitrimol, atteint en personne par une convocation et n’ayant fourni aucune excuse
reconnue valable pour ne pas venir à l’audience.
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35. La comparution d’un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que
de la nécessité de contrôler l’exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y
a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins.
Dès lors, le législateur doit pouvoir décourager les abstentions injustifiées. En l’espèce, il n’y a pourtant pas lieu de
se prononcer sur le point de savoir s’il est en principe loisible de les sanctionner en dérogeant au droit à l’assistance
d’un défenseur, car en tout cas la suppression de ce droit se révèle disproportionnée dans les circonstances de la
cause: elle privait M. Poitrimol, non recevable à former opposition contre l’arrêt de la cour d’appel, de sa seule
chance de faire plaider en seconde instance sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit.
36. Quant à la Cour de cassation, le Gouvernement précise que l’accès à celle-ci obéit à une réglementation
destinée à ménager un juste équilibre entre les droits de la société, ainsi que des parties civiles, et ceux de la
défense. A la lumière de l’arrêt Ashingdane c. Royaume-Uni du 28 mai 1985 (série A no 93, pp. 24-25, par. 57), les
règles de forme critiquées par le requérant cadreraient avec l’article 6 (art. 6).
37. Selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, suivie en l’espèce, le condamné qui n’a
pas déféré à un mandat de justice décerné contre lui ne saurait se faire représenter pour se pourvoir en cassation.
Le requérant ne pouvait introduire valablement son recours sans se constituer prisonnier dans une maison d’arrêt
(article 583 du code de procédure pénale).
38. La Cour estime que l’irrecevabilité du pourvoi, pour des raisons liées à la fuite du requérant, s’analysait elle
aussi en une sanction disproportionnée, eu égard à la place primordiale que les droits de la défense et le principe de
la prééminence du droit occupent dans une société démocratique. Assurément, il s’agissait d’une voie de recours
extraordinaire portant sur l’application du droit et non sur le fond du litige. Néanmoins, dans le système français de
procédure pénale, la possibilité, pour l’accusé non comparant, de faire plaider en seconde instance sur le bien-fondé
de l’accusation en fait comme en droit, dépend dans une large mesure du point de savoir s’il a fourni des excuses
valables pour justifier son absence. Dès lors, un contrôle juridique des motifs par lesquels une cour d’appel a rejeté
de telles excuses se révèle indispensable.
39. Sur la base de l’ensemble de ces considérations, la Cour constate un manquement aux exigences de l’article 6
(art. 6) tant au stade de la cour d’appel que devant la Cour de cassation.
 Document n°2 : CEDH, Nagula C/ Estonie, décision du 25.10.2005
Pour ce qui est des circonstances particulières de la présente cause, la Cour note tout d’abord qu’elle n’a aucune
raison de douter que le requérant menait une vie familiale en Estonie au sens de l’article 8 de la Convention. Elle
relève toutefois que le requérant a quitté l’Estonie de son plein gré pour aller s’établir avec sa femme à Sotchi, en
Russie, tandis que son fils et sa belle-mère restaient vivre en Estonie.
La première question qui se pose est celle de savoir s’il y a lieu de considérer que le requérant a renoncé à un
éventuel droit de continuer à résider en Estonie au titre de l’article 8 de la Convention. D’après la jurisprudence de la
Cour, la renonciation à un droit garanti par la Convention doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt
public important (Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66).
A cet égard, la Cour note que le requérant s’est vu refuser un titre de séjour en Estonie le 17 juillet 2001. A cette
date, il avait déjà signé le formulaire de demande en vue de participer au programme d’assistance (ce qui fut chose
faite le 18 novembre 1996). Le 18 avril 1997, il a demandé aux autorités estoniennes de supprimer le permis de
résidence de sa femme et de lui-même à Tallinn en raison de leur déménagement en Russie, ce qui lui a été
accordé le 5 mai 1997. Le 1er octobre 1997, il a reçu les clés de son appartement de Sotchi, où il s’est installé le jour
même. Le 18 novembre 1997, l’appartement de Sotchi a été enregistré comme son lieu de résidence (on lui a délivré
une propiska).
Le requérant a déclaré lors de l’audience devant le tribunal administratif de Tallinn qu’il était le propriétaire de
l’appartement de Sotchi. La Cour note que, d’après les conditions prévues dans le programme d’assistance, il devait
y avoir résidé en permanence pendant un an pour en devenir propriétaire. La Cour est donc convaincue que
l’intéressé avait renoncé à sa résidence en Estonie de manière permanente, même si le titre de séjour qui lui avait
été délivré en 1996 pour une durée de cinq ans n’avait pas été annulé.
La Cour ne juge pas probant l’argument du requérant selon lequel il avait pris l’engagement de quitter l’Estonie
envers les Etats-Unis et non envers l’Estonie. Il ressortait à l’évidence clairement du contexte dans lequel le
requérant a accepté de participer au programme d’assistance que ce dernier visait à faciliter le retrait des troupes
russes stationnées, entre autres, en Estonie. Les différents aspects de ce processus étaient indissolublement liés.
En effet, l’octroi au requérant d’un appartement en Russie avait un rapport direct avec l’obligation où se trouvait la
Fédération de Russie de retirer ses troupes d’Estonie en vertu du traité et avec l’engagement pris par l’intéressé de
quitter le pays.
Vu les éléments de preuve dont elle dispose, en particulier les déclarations expresses du requérant et les mesures
prises par lui pour honorer sa partie de l’accord de réinstallation, la Cour juge que l’intéressé doit passer pour avoir
renoncé de manière non équivoque à un éventuel droit de demeurer en Estonie sous l’angle de l’article 8. De plus,
eu égard au traité conclu entre l’Estonie et la Russie relatif au retrait des troupes ainsi qu’à l’engagement pris par le
requérant, la Cour estime que cette renonciation paraît ne se heurter à aucun intérêt public.
Dès lors, la Cour conclut que cette partie du grief tiré de l’article 8 de la Convention est manifestement mal fondée et
doit être rejetée, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4
.
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 Document n°3 : CEDH, De Wildes, Oms et Versyp c/ Belgique, arrêt du
18.06.1971
B. Sur la violation alléguée du paragraphe 1 de l’article 5 (art. 5-1)
66. Il ressort du dossier que les requérants ont invoqué, entre autres, le premier paragraphe de l’article 5 (art. 5-1)
de la Convention; le Gouvernement a combattu leur thèse que la Commission a rejetée dans son rapport.
Pour autant qu’il s’applique en l’espèce, l’article 5 par. 1 (art. 5-1) est ainsi libellé:
"Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et
selon les voies légales:
(...)
e) s’il s’agit de la détention régulière (...) d’un vagabond;
(...)."
67. Les requérants ont été privés de leur liberté à titre provisoire par le commissaire de police auquel ils s’étaient
présentés, puis traduits par lui dans les vingt-quatre heures, conformément à l’article 3 de la loi du 1er mai 1849,
devant le juge de paix qui les a mis à la disposition du gouvernement (cf. les paragraphes 16, 17, 23, 24, 28 et 29 ci-
dessus).
La régularité des actes des commissaires de police n’a pas été contestée; les intéressés se présentant
spontanément et faisant état de leur qualité de vagabond, il était normal qu’ils fussent déférés au juge de paix pour
qu’il statuât. Ces actes au surplus revêtaient un caractère purement préparatoire.
C’est en vertu des ordonnances des juges de paix que l’internement a eu lieu. C’est donc en fonction desdites
ordonnances qu’il faut apprécier la régularité de la détention des trois requérants.
68. La Convention ne contient pas de définition du terme "vagabond". La définition qui figure à l’article 347 du Code
pénal belge est ainsi libellée: "Les vagabonds sont ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et
qui n’exercent habituellement ni métier ni profession". Si ces trois circonstances se trouvent réunies, elles peuvent
conduire les autorités compétentes à mettre les intéressés à la disposition du gouvernement à titre de vagabonds.
La définition précitée ne paraît nullement inconciliable avec l’acception usuelle du mot "vagabond", et la Cour estime
qu’une personne qui est un vagabond au sens de l’article 347 du Code tombe, en principe, sous le coup de
l’exception prévue à l’article 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de la Convention.
Or, en l’espèce, l’absence de domicile certain et de moyens de subsistance résultait non seulement de l’initiative des
intéressés, qui s’étaient présentés à la police, mais des déclarations faites par eux à l’époque: ils affirmèrent tous les
trois être sans emploi (cf. les paragraphes 16, 23 et 28 ci-dessus). Quant au caractère habituel de cette inactivité, les
juges de paix de Charleroi, Namur et Bruxelles ont pu le déduire des renseignements dont chacun d’eux disposait au
sujet du requérant traduit devant lui. En outre, ledit caractère semble confirmé par la circonstance que les trois
intéressés, bien que se disant travailleurs, paraissent n’avoir pu justifier du minimum de journées de travail, fournies
au cours d’une période déterminée, qui d’après l’arrêté royal du 20 décembre 1963 (articles 118 et suivants) leur eût
permis de prétendre au bénéfice d’allocations de chômage.
69. Ayant ainsi la qualité de "vagabond", les requérants pouvaient, selon l’article 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de la
Convention, faire l’objet d’une détention pourvu qu’elle fût ordonnée par les autorités compétentes et conformément
à la procédure légale belge.
La Cour constate à cet égard que les intéressés n’ont pas subi le même sort: De Wilde a été mis à la disposition du
gouvernement le 19 avril 1966 pour deux ans, mais relaxé le 16 novembre 1966; Ooms a été mis à la disposition du
gouvernement le 21 décembre 1965 pour une durée indéterminée et a recouvré sa liberté après un an, soit à
l’expiration du terme légal; Versyp a été mis à la disposition du gouvernement le 4 novembre 1965 pour deux ans,
puis élargi le 10 août 1967 après un an, neuf mois et six jours (cf. les paragraphes 17, 20, 24, 26, 29 et 31 ci -
dessus).
Ainsi que la Cour l’a déjà noté, la mise à la disposition du gouvernement pour une durée déterminée ne se distingue
pas seulement de celle pour une durée indéterminée par le fait que la première doit être prononcée pour un
minimum de deux ans (article 13 de la loi de 1891) alors que la seconde ne peut se prolonger au-delà d’un an
(articles 16 et 18): la première est aussi plus rigoureuse en ce qu’elle s’inscrit au casier judiciaire (cf. le paragraphe
36 ci-dessus), ainsi qu’en ce qui concerne les incapacités électorales (cf. le paragraphe 158 du rapport de la
Commission).
En l’espèce, les ordonnances relatives à De Wilde et Versyp n’indiquent pas laquelle des quatre circonstances
mentionnées à l’article 13 aurait amené les juges à appliquer cet article plutôt que l’article 16, mais elles se réfèrent
au dossier administratif des intéressés. Or, celui de Jacques De Wilde contenait un bulletin de renseignements daté
du 19 avril 1966, jour de la comparution devant le juge de paix de Charleroi, et qui énumérait diverses
condamnations et mises à la disposition du gouvernement prononcées contre le requérant (cf. le paragraphe 16 ci-
dessus). En outre, le Tribunal de police de Bruxelles avait connaissance, au moment où Versyp a été traduit devant
lui, d’un document de l’office de réadaptation sociale attribuant son état de vagabondage à sa fainéantise et à son
penchant pour la boisson (cf. le paragraphe 28 ci-dessus).
70. La Cour ne constate donc ni illégalité ni arbitraire dans le cas de la mise des trois requérants à la disposition du
gouvernement, et elle n’a aucune raison de considérer comme incompatible avec l’article 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de la
Convention la détention qui en est résultée.
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Les droits insusceptibles de dérogations volontaires
 Document n°4 : CEDH, Pretty c/ Royaume-Uni, arrêt du 29.04.2002
39. Dans toutes les affaires dont elle a eu à connaître, la Cour a mis l'accent sur l'obligation pour l'Etat de protéger
la vie. Elle n'est pas persuadée que le « droit à la vie » garanti par l'article 2 puisse s'interpréter comme comportant
un aspect négatif. Par exemple, si dans le contexte de l'article 11 de la Convention la liberté d'association a été
jugée impliquer non seulement un droit d'adhérer à une association, mais également le droit correspondant à ne pas
être contraint de s'affilier à une association, la Cour observe qu'une certaine liberté de choix quant à l'exercice d'une
liberté est inhérente à la notion de celle-ci (arrêts Young, James et Webster c. Royaume-Uni, 13 août 1981, série A
no 44, pp. 21-22, § 52, et Sigurđur A. Sigurjónsson c. Islande, 30 juin 1993, série A no 264, pp. 15-16, § 35). L'article
2 de la Convention n'est pas libellé de la même manière. Il n'a aucun rapport avec les questions concernant la
qualité de la vie ou ce qu'une personne choisit de faire de sa vie. Dans la mesure où ces aspects sont reconnus
comme à ce point fondamentaux pour la condition humaine qu'ils requièrent une protection contre les ingérences de
l'Etat, ils peuvent se refléter dans les droits consacrés par la Convention ou d'autres instruments internationaux en
matière de droits de l'homme. L'article 2 ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété comme conférant un
droit diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir ; il ne saurait davantage créer un droit à l'autodétermination
en ce sens qu'il donnerait à tout individu le droit de choisir la mort plutôt que la vie.
40. La Cour estime donc qu'il n'est pas possible de déduire de l'article 2 de la Convention un droit à mourir, que ce
soit de la main d'un tiers ou avec l'assistance d'une autorité publique. Elle se sent confortée dans son avis par la
récente Recommandation 1418 (1999) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (paragraphe 24 ci-
dessus).
II. Les dérogations imposées
Les dérogations en cas de circonstances exceptionnelles
 Document n°5 : CEDH, Brannigan et Mc Bride c. Royaume-Uni, arrêt du
26.05.1993
2. Sur l’existence d’un danger public menaçant la vie de la nation
44. Les requérants ne contestent pas qu’il y eût un danger public "menaçant la vie de la nation", mais d’après eux il
incombe au Gouvernement d’en convaincre la Cour.
45. Liberty et autres affirment en revanche, dans leurs observations écrites, que plus rien alors ne révélait une crise
d’ampleur exceptionnelle. A leur avis, un réexamen du problème n’aurait pu justifier une nouvelle dérogation que si,
après le retrait de la précédente en août 1984, on avait assisté à une dégradation démontrable de la situation. Selon
la Commission consultative permanente pour les Droits de l’Homme, au contraire, il régnait en Irlande du Nord un
danger public assez grave pour donner au Gouvernement le droit de déroger.
46. Eu égard aux troubles que traversait l’Irlande du Nord, Gouvernement et Commission concluent à l’existence de
pareil danger à l’époque.
47. Rappelant ses arrêts Lawless c. Irlande du 1er juillet 1961 (série A no 3, p. 56, par. 28) et Irlande c. Royaume-
Uni précité (série A no 25, p. 78, par. 205), et se livrant à sa propre appréciation à la lumière de l’ensemble des
éléments dont elle dispose quant à l’ampleur et aux effets de la violence terroriste en Irlande du Nord et ailleurs au
Royaume-Uni (paragraphe 12 ci-dessus), la Cour estime hors de doute qu’il en allait bien ainsi.
Elle ne juge pas nécessaire de comparer la situation de 1984 à celle de décembre 1988: la décision de retirer une
dérogation relève en principe du pouvoir discrétionnaire de l’État et il est clair que le Gouvernement croyait la
législation en cause réellement compatible avec la Convention (paragraphes 49-51 ci-dessous).
3. Sur le point de savoir si les mesures étaient strictement exigées par la situation
a) Considérations générales
48. La prééminence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique, implique un contrôle
judiciaire des atteintes de l’exécutif au droit individuel à la liberté, garanti par l’article 5 (art. 5) (arrêt Brogan et autres
précité, série A no 145-B, p. 32, par. 58). Il échet de relever en outre que l’avis de dérogation invoqué en l’espèce a
suivi de près l’arrêt Brogan et autres, d’après lequel le Gouvernement avait enfreint l’article 5 par. 3 (art. 5-3) en ne
traduisant pas "aussitôt" les requérants devant un tribunal.
La Cour doit examiner la dérogation sur la base de ces éléments et sans oublier que le pouvoir d’arrestation et de
détention en cause se trouve en vigueur depuis 1974. Elle note toutefois qu’il ne s’agit pas ici, pour l’essentiel, de
l’existence du pouvoir de garder à vue des terroristes présumés pendant une période pouvant atteindre sept jours -
les requérants ont retiré le grief qu’ils avaient présenté sur le terrain de l’article 5 par. 1 (art. 5-1) (paragraphe 33 ci-
dessus) -, mais plutôt de son exercice sans contrôle judiciaire.
b) Sur le point de savoir si la dérogation cherchait vraiment à parer à un état d’urgence
49. D’après les requérants, la dérogation ne constituait pas une réponse nécessaire à un état de choses nouveau ou
modifié, mais la réaction du Gouvernement à l’arrêt Brogan et autres; elle ne cherchait qu’à en éluder les
conséquences.
50. Selon le Gouvernement et la Commission cet arrêt a certes provoqué la dérogation, mais depuis 1974 la
situation n’a cessé d’exiger les pouvoirs de détention prolongée conférés par la législation sur la prévention du
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terrorisme. Les gouvernements successifs auraient tous considéré que ces pouvoirs se conciliaient avec l’article 5
par. 3 (art. 5-3) et que nulle dérogation ne s’imposait. Toutefois, tant les mesures que la dérogation représenteraient
des réponses directes à l’état d’urgence auquel le Royaume-Uni était et demeure confronté.
51. La Cour constate d’abord que depuis 1974 le Gouvernement estime avoir besoin desdits pouvoirs pour
combattre la menace du terrorisme. L’arrêt Brogan et autres l’a placé devant un choix: introduire un contrôle
judiciaire de la décision de détenir quelqu’un en vertu de l’article 12 de la loi de 1984, ou notifier une dérogation aux
obligations découlant de la Convention en la matière. Dès lors qu’il jugeait impossible d’instaurer un contrôle
judiciaire compatible avec l’article 5 par. 3 (art. 5-3), en raison des difficultés particulières inhérentes à l’instruction et
à la répression de la criminalité terroriste, une dérogation devenait inévitable. Partant, comme le pouvoir de
détention prolongée sans contrôle judiciaire et l’avis du 23 décembre 1988 étaient nettement liés à la persistance de
l’état d’urgence, rien ne montre que la dérogation fût autre chose qu’une riposte véritable à celle-ci.
c) Sur le point de savoir si la dérogation était prématurée
52. D’après les requérants, il s’agissait d’une mesure provisoire, non prévue par l’article 15 (art. 15): de la
déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe le 23 décembre 1988, il ressortirait que le
Gouvernement n’avait pas encore abouti à une "opinion ferme ou définitive" sur la nécessité de déroger à l’article 5
par. 3 (art. 5-3) et demandait un délai supplémentaire de réflexion et de consultation. Au terme de celui-ci, le ministre
de l’Intérieur aurait confirmé la dérogation dans une réponse écrite du 14 novembre 1989 à un parlementaire
(paragraphe 32 ci-dessus). Toujours selon les requérants, l’article 15 (art. 15) n’autorisait jusque-là aucune
dérogation, et même à cette date le Gouvernement n’avait pas recherché de manière adéquate si un "magistrat
habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires" pouvait remplir les conditions de l’article 5 par. 3 (art. 5-3).
53. Aux yeux du Gouvernement, le fait qu’il examinait la possibilité d’un contrôle judiciaire de la détention prolongée
n’entache nullement la validité de la dérogation: ainsi que l’a relevé la Commission, reconsidérer en permanence les
mesures de dérogation cadre avec les exigences de l’article 15 par. 3 (art. 15-3).
54. La Cour ne souscrit pas à la thèse du caractère prématuré de la dérogation.
Certes, l’article 15 (art. 15) ne mentionne pas l’hypothèse d’une suspension temporaire des garanties de la
Convention, applicable jusqu’au moment où l’on sait si une dérogation s’impose. La notification du 23 décembre
1988 indiquait pourtant clairement que "dans le contexte de la campagne terroriste et vu la nécessité absolue de
traduire les terroristes en justice, le Gouvernement n’estimait pas que la durée maximale de garde à vue devait être
réduite". Néanmoins, il souhaitait toujours "trouver une procédure judiciaire permettant un recours contre la
prolongation de la garde à vue et, le cas échéant, l’autorisation de ladite prolongation par un juge ou un autre
magistrat" (paragraphe 31 ci-dessus).
On ne saurait contester la validité de la dérogation pour la simple raison que le Gouvernement avait résolu d’étudier
la possibilité d’imaginer, à l’avenir, un moyen de mieux se conformer aux obligations découlant de la Convention. De
fait, pareil processus de réflexion continue non seulement se concilie avec l’article 15 par. 3 (art. 15-3), qui
commande un réexamen constant de la nécessité de mesures d’exception, mais encore correspond de manière
implicite à la notion même de proportionnalité.
 Document n°6 : CEDH, A. et autres c/ Royaume-Uni, arrêt du 19.02.2009
b) Sur la validité de la dérogation du Royaume-Uni aux obligations découlant de l'article 5 § 1 de la Convention
i. L'approche de la Cour
1. La Cour rappelle qu'il incombe à chaque Etat contractant, responsable de « la vie de [sa] nation », de déterminer
si celle-ci est menacée par un « danger public » et, dans l'affirmative, jusqu'où il faut aller pour essayer de le
dissiper. En contact direct et constant avec les réalités pressantes du moment, les autorités nationales se trouvent
en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la présence de pareil danger comme sur la
nature et l'étendue des dérogations nécessaires pour le conjurer. Partant, on doit leur laisser en la matière une
ample marge d'appréciation.
Les Etats ne jouissent pas pour autant d'un pouvoir illimité en ce domaine. La Cour a compétence pour décider,
notamment, s'ils ont excédé la « stricte mesure » des exigences de la crise. La marge nationale d'appréciation
s'accompagne donc d'un contrôle européen. Quand elle exerce celui-ci, la Cour doit en même temps attacher le
poids qui convient à des facteurs pertinents tels que la nature des droits touchés par la dérogation, la durée de l'état
d'urgence et les circonstances qui l'ont créé (Irlande c. Royaume-Uni, précité, § 207 ; Brannigan et McBride
c. Royaume-Uni, 26 mai 1993).
2. Conformément à l'objet et au but sous-jacents à la Convention, tels qu'ils se dégagent de l'article 1 de celle-ci,
chaque Etat contractant doit assurer dans son ordre juridique interne la jouissance des droits et libertés garantis. Il
est fondamental pour le mécanisme de protection établi par la Convention que les systèmes nationaux eux-mêmes
permettent de redresser les violations commises, la Cour exerçant son contrôle dans le respect du principe de
subsidiarité (...). En outre, les juridictions internes figurent au nombre des « autorités nationales » auxquelles la Cour
accorde une ample marge d'appréciation au titre de l'article 15. Compte tenu des circonstances exceptionnelles de la
présente affaire, où la cour suprême de l'Etat défendeur a jugé, après avoir examiné les questions soulevées par la
dérogation, qu'il existait un danger public menaçant la vie de la nation mais que les mesures prises pour le conjurer
n'étaient pas strictement exigées par la situation, la Cour estime ne pouvoir parvenir à une solution contraire sans
avoir la certitude que les juridictions internes ont commis une erreur d'application ou d'interprétation de l'article 15 ou
de sa jurisprudence ou que leurs conclusions sont manifestement déraisonnables.
ii. Sur l'existence d'un « danger public menaçant la vie de la nation »
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3. Les requérants soutiennent qu'il n'existait pas de danger public menaçant la vie de la nation britannique à
l'époque pertinente. Ils avancent trois arguments principaux à l'appui de cette thèse, à savoir, premièrement, que la
menace en question n'était ni actuelle ni imminente, deuxièmement, qu'elle ne revêtait pas un caractère temporaire
et, troisièmement, que la pratique des autres Etats membres – dont aucun n'avait dérogé à la Convention – ainsi que
les avis éclairés d'institutions tant nationales qu'internationales donnaient à penser que la réalité d'un tel danger
n'était pas établie.
4. La Cour rappelle avoir jugé, en l'affaire Lawless (...), que, dans le contexte de l'article 15 de la Convention, le
sens normal et habituel de l'expression « en cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la
nation » est suffisamment clair et qu'elle désigne « une situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui
affecte l'ensemble de la population et constitue une menace pour la vie organisée de la communauté composant
l'Etat ». Dans l'Affaire grecque (1969), § 153, Annuaire 12, vol. I), la Commission a déclaré que, pour justifier une
dérogation, un danger devait être actuel ou imminent, avoir des répercussions sur l'ensemble de la nation, constituer
une menace pour la vie organisée de la communauté, et avoir un caractère exceptionnel en ce sens que les
mesures ou restrictions ordinaires autorisées par la Convention pour assurer la sécurité, la santé et l'ordre publics
devaient être manifestement insuffisantes. En l'affaire Irlande c. Royaume-Uni (...), les parties, la Commission et la
Cour sont tombées d'accord pour dire qu'un terrorisme ayant représenté des années durant « un danger d'une
ampleur et d'une acuité particulières pour l'intégrité du territoire du Royaume-Uni, les institutions des six comtés et la
vie des habitants de la province » justifiait l'application de l'article 15. Dans les affaires Brannigan et McBride (...), la
Cour est parvenue à des conclusions analogues quant à la persistance de l'état d'urgence en Irlande du nord. Dans
l'arrêt Aksoy (précité), elle a admis que les actions violentes des séparatistes kurdes constituaient un « danger
public » pour la Turquie.
5. Le ministre de l'Intérieur a soumis aux juridictions britanniques des éléments tendant à démontrer l'existence
d'une menace réelle d'attentats terroristes dirigés contre le Royaume-Uni. La SIAC s'est vu communiquer d'autres
informations, confidentielles. Tous les juges internes ayant connu de la présente affaire ont déclaré croire à la
réalité du danger invoqué (sauf Lord Hoffmann, aux yeux duquel il ne représentait pas une menace de nature à
« mettre en péril la vie de la nation » ; paragraphe 18 ci-dessus). La Cour estime quant à elle que, même si Al-Qaida
n'avait pas encore commis d'attentat sur le sol britannique au moment où la dérogation fut établie, on ne saurait
reprocher aux autorités nationales d'avoir cru à « l'imminence » d'un attentat au vu des éléments dont elles
disposaient à l'époque pertinente, car une atrocité aurait pu se produire à tout instant, sans avertissement.
L'exigence d'imminence ne doit pas recevoir une interprétation étroite au point d'obliger les Etats à attendre qu'un
désastre survienne pour prendre des mesures propres à le conjurer. En outre, la réalité de la menace terroriste a été
tragiquement démontrée par les attentats et tentatives d'attentat à l'explosif commis à Londres en juillet
2005. L'article 15 ayant pour objet de permettre aux Etats de prendre des mesures dérogatoires pour protéger leur
population contre des dangers à venir, la réalité de la menace dirigée contre la vie de la nation doit s'apprécier
principalement au regard des faits connus à l'époque de la dérogation. Cependant, rien n'empêche la Cour de tenir
compte d'éléments apparus ultérieurement (...).
6. Si, aux yeux du Comité des droits de l'homme des Nations unies, les mesures dérogatoires aux dispositions du
PDICP doivent avoir un caractère « exceptionnel et provisoire » (paragraphe 109 ci-dessus), la Cour, quant à elle,
n'a encore jamais expressément jugé que le danger invoqué devait être de nature temporaire, quoique la durée de
celui-ci puisse entrer en ligne de compte pour la question de la proportionnalité de la riposte qui lui est apportée. Il
ressort au contraire des affaires précitées concernant l'état d'urgence en Irlande du nord qu'un « danger public » au
sens de l'article 15 peut persister plusieurs années. La Cour estime que des mesures dérogatoires mises en œuvre
immédiatement après les attentats perpétrés par Al-Qaida sur le territoire américain et soumises à un réexamen
annuel par le Parlement ne sauraient être déclarées invalides au motif qu'elles ne sont pas « provisoires ».
7. La thèse des requérants selon laquelle il n'existait pas de « menace pour la vie de la nation » à l'époque
pertinente se fonde principalement sur l'interprétation de cette expression qui se dégage de l'opinion dissidente de
Lord Hoffman, lequel estime que pareille menace n'est constituée que si elle met en péril la vie organisée de la
communauté et que l'on peut en redouter des conséquences plus graves que de lourdes pertes matérielles et
humaines. Aux yeux de Lord Hoffman, le danger en question doit mettre en péril « les institutions politiques du
Royaume-Uni ou l'existence de notre Etat en tant que société civilisée » (paragraphe 18 ci- dessus). Pour sa part, la
Cour a été amenée à prendre en compte un éventail de facteurs beaucoup plus large pour se prononcer sur la
nature et l'intensité de la menace actuelle ou imminente pour la « nation » invoquée dans des affaires antérieures,
reconnaissant dans certains cas l'existence d'un état d'urgence dans des situations qui semblaient moins
menaçantes pour les institutions de l'Etat que celle envisagée par Lord Hoffman.
8. Comme la Cour l'a déjà indiqué, les Etats bénéficient d'une ample marge d'appréciation, au regard de l'article 15,
pour apprécier si la vie de la nation est menacée par un danger public. Frappée par le fait que le Royaume-Uni a été
le seul Etat contractant à avoir dérogé à la Convention pour riposter à la menace d'Al-Qaida, alors pourtant que
d'autres Etats y ont été confrontés, la Cour n'en reconnaît pas moins que chaque gouvernement, garant de la
sécurité de la population dont il a la charge, demeure libre d'apprécier par lui-même les faits à la lumière des
informations qu'il détient. L'opinion de l'exécutif et du Parlement britannique importe donc en la matière, et il convient
d'accorder un grand poids à celle des juridictions internes, qui sont mieux placées pour évaluer les éléments de
preuve relatifs à l'existence d'un danger.
9. Dès lors, la Cour souscrit, sur ce premier point, à l'avis de la majorité de la Chambre des lords, qui a estimé qu'il
existait un danger public menaçant la vie de la nation.
iii. Sur la question de savoir si les mesures litigieuses étaient strictement exigées par la situation
10. L'article 15 n'autorise les Etats à prendre des mesures dérogeant à leurs obligations au titre de la Convention
que « dans la stricte mesure où la situation l'exige ».Comme elle l'a précédemment déclaré, la Cour estime devoir en
principe suivre les conclusions de la Chambre des lords sur la question de la proportionnalité de la détention des
requérants, à moins que l'on ne puisse établir que la haute juridiction a mal interprété la Convention ou la
9/17
jurisprudence de la Cour ou que ses conclusions sont manifestement déraisonnables. C'est dans cette optique que
la Cour abordera les critiques formulées par le Gouvernement envers l'arrêt de la Chambre des lords.
11. Le Gouvernement soutient d'abord que la majorité de la Chambre des lords aurait dû accorder beaucoup plus
de latitude au Parlement et à l'exécutif pour apprécier la nécessité de la détention des requérants. L'Attorney
General avait avancé un argument analogue devant la haute juridiction en plaidant que la détermination des
mesures nécessaires à la protection de la population ressortissait davantage à la sphère politique qu'au domaine
judiciaire (paragraphe 19 ci-dessus).
12. Lorsque la Cour est appelée à examiner une dérogation établie au titre de l'article 15, elle accorde aux Etats une
ample marge d'appréciation dans la détermination de la nature et de la portée des mesures dérogatoires qui leur
semblent nécessaires pour conjurer le danger invoqué. Cependant, il lui appartient en dernier ressort de statuer sur
la question de savoir si les mesures prises sont « strictement exigées » par la situation. En particulier, lorsqu'une
mesure dérogatoire porte atteinte à un droit conventionnel fondamental – tel que le droit à la liberté –, la Cour doit
s'assurer qu'elle constitue une réponse véritable à l'état d'urgence, qu'elle se justifie pleinement au regard des
circonstances spéciales de cette situation et qu'il existe des garanties contre les abus (voir, par exemple, Brannigan
et McBride, précité, §§ 48-66 ; Aksoy, précité, §§ 71-84, et les principes mentionnés au paragraphe 173 ci-dessus).
La théorie de la marge d'appréciation est depuis toujours perçue comme un moyen de définir les rapports entre les
autorités internes et la Cour. Cette théorie ne trouve pas à s'appliquer de la même manière aux rapports entre les
organes de l'Etat au niveau interne. Comme l'a indiqué la Chambre des lords, la question de la proportionnalité
relève en dernière instance du domaine judiciaire, particulièrement lorsque, comme en l'espèce, des justiciables ont
subi une longue privation de leur droit fondamental à la liberté. En tout état de cause, compte tenu du soin apporté
par les Law Lords à l'examen des questions qui se posaient dans la présente affaire, on ne saurait leur reprocher de
ne pas avoir accordé à l'opinion de l'exécutif et du Parlement le poids qu'elle méritait.
13. Le Gouvernement soutient ensuite que la majorité des membres de la Chambre des lords ont fait fausse route
en considérant la loi in abstracto au lieu de se pencher sur les circonstances propres au cas de chacun des
intéressés. Pour sa part, la Cour estime que l'article 15 appelle nécessairement une démarche axée sur la situation
globale du pays concerné, en ce sens qu'il incombe à la juridiction saisie – qu'elle soit interne ou internationale –
d'examiner les mesures adoptées en dérogation aux droits conventionnels en jeu et de les mettre en balance avec la
nature de la menace pesant sur la nation. Lorsque, comme en l'espèce, les mesures en question sont jugées
disproportionnées par rapport à la menace et discriminatoires dans leurs effets, il est inutile d'aller plus loin et de
contrôler au cas par cas la manière dont elles ont été mises en œuvre.
14. La troisième critique formulée par le Gouvernement contre l'arrêt de la Chambre des lords porte principalement
sur la manière dont y est abordée la comparaison entre les étrangers soupçonnés de terrorisme et les citoyens
britanniques sur lesquels pèsent les mêmes soupçons. Pour sa part, la Cour estime que les Law Lords ont jugé à
bon droit que les mesures litigieuses ne pouvaient être considérées comme ressortissant au droit des étrangers, où
une distinction entre ces derniers et les nationaux aurait pu se justifier, mais bien plutôt comme ressortissant à la
sécurité nationale. Le chapitre 4 de la loi de 2001 avait pour objectif de parer à une menace réelle et imminente
d'attentats terroristes qui, à l'évidence, émanait aussi bien de ressortissants britanniques que d'étrangers. En
choisissant de recourir à une mesure relevant du droit des étrangers pour traiter un problème d'ordre
essentiellement sécuritaire, l'exécutif et le Parlement lui ont apporté une réponse inadaptée et ont exposé un groupe
particulier de terroristes présumés au risque disproportionné et discriminatoire d'une détention à durée indéterminée.
Comme l'a indiqué la Chambre des lords, les effets potentiellement néfastes d'une détention sans inculpation
peuvent affecter de manière sensiblement identique un citoyen britannique et un étranger que l'on ne peut, en
pratique, soumettre à une mesure d'éloignement de crainte qu'il ne soit torturé à l'étranger.
15. Enfin, le Gouvernement avance deux arguments qui, d'après les requérants, n'ont pas été invoqués devant les
juridictions internes. Il est constant que ni les décisions de celles-ci ni les documents non confidentiels présentés à la
Cour n'en font mention. Dans ces conditions, à supposer même que le principe de subsidiarité n'empêche pas la
Cour d'examiner des moyens nouveaux, il exige qu'ils soient étayés par des éléments convaincants.
16. Le premier des arguments prétendument nouveaux avancés par le Gouvernement tend à faire admettre à la
Cour que les pouvoirs publics avaient légitimement cantonné les mesures litigieuses aux étrangers pour tenir compte
de la sensibilité de la population musulmane britannique, dans le but de réduire le risque de voir certains de ses
membres se rallier aux thèses extrémistes. Toutefois, le Gouvernement n'a fourni à la Cour aucun élément donnant
à penser que la détention sans inculpation d'un citoyen britannique musulman raisonnablement soupçonné de liens
avec Al-Qaida aurait très probablement suscité davantage de réprobation de la part de la communauté musulmane
du Royaume-Uni que celle d'un étranger musulman qui se serait trouvé dans la même situation. A cet égard, la Cour
relève que le dispositif de mesures de contrôle institué par la loi de 2005 sur la prévention du terrorisme n'établit pas
de distinction entre les suspects selon qu'ils possèdent ou non la nationalité britannique.
17. Le second argument du Gouvernement que les requérants qualifient de nouveau tend à faire reconnaître que
les autorités pouvaient d'autant mieux répondre à la menace terroriste qu'elles avaient le pouvoir de placer en
détention ceux qui représentaient à leurs yeux la source principale de cette menace, à savoir les étrangers. A cet
égard, la Cour relève cette fois encore que le Gouvernement ne lui a présenté aucun élément propre à la convaincre
de s'écarter de la conclusion de la Chambre des lords selon laquelle la différence de traitement critiquée ne se
justifiait pas. D'ailleurs, elle observe que les juridictions internes – en particulier la SIAC, qui a eu accès aux pièces
tant non confidentielles que secrètes – n'ont pas ajouté foi à la thèse selon laquelle les étrangers étaient plus
dangereux que les citoyens britanniques.
18. En conclusion, la Cour estime, comme la Chambre des lords, que les mesures dérogatoires étaient
disproportionnées en ce qu'elles opéraient une discrimination injustifiée entre étrangers et citoyens britanniques. Il
s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1 dans le chef des premier, troisième, cinquième, sixième, septième,
huitième, neuvième, dixième et onzième requérants [...]
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Les dérogations au nom de la défense des valeurs dans une société démocratique
 Document n°7 : CEDH, Garaudy c/ France, décision du 24.06.2003
L'ouvrage qui est à l'origine des condamnations du requérant analyse de façon détaillée plusieurs événements
historiques relatifs à la deuxième guerre mondiale, tels que les persécutions des Juifs par le régime nazi,
l'Holocauste, le procès de Nuremberg. S'appuyant sur de nombreuses citations et références, le requérant remet en
cause la réalité, l'ampleur, et la gravité de ces faits historiques qui ne font pourtant pas l'objet de débats entre
historiens mais sont au contraire clairement établis. Il apparaît, comme l'ont montré les juridictions nationales à
l'issue d'une étude méthodique et de constats approfondis, que loin de se limiter à une critique politique ou
idéologique du sionisme et des agissements de l'Etat d'Israël, ou même de procéder à un exposé objectif des thèses
négationnistes et de réclamer seulement, comme il le prétend, « un débat public et scientifique » sur l'événement
historique des chambres à gaz, le requérant a fait siennes ces thèses et procède en fait à une remise en cause
systématique des crimes contre l'humanité commis par les nazis envers la communauté juive.
Or, il ne fait aucun doute que contester la réalité de faits historiques clairement établis, tels que l'Holocauste, comme
le fait le requérant dans son ouvrage, ne relève en aucune manière d'un travail de recherche historique
s'apparentant à une quête de la vérité. L'objectif et l'aboutissement d'une telle démarche sont totalement différents,
car il s'agit en fait de réhabiliter le régime national-socialiste, et, par voie de conséquence, d'accuser de falsification
de l'histoire les victimes elles-mêmes. Ainsi, la contestation de crimes contre l'humanité apparaît comme l'une des
formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d'incitation à la haine à leur égard. La négation ou la
révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et
l'antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l'ordre public. Portant atteinte aux droits d'autrui, de tels actes
sont incompatibles avec la démocratie et les droits de l'homme et leurs auteurs visent incontestablement des
objectifs du type de ceux prohibés par l'article 17 de la Convention.
La Cour considère que la plus grande partie du contenu et la tonalité générale de l'ouvrage du requérant, et donc
son but, ont un caractère négationniste marqué et vont donc à l'encontre des valeurs fondamentales de la
Convention, telle que les exprime son Préambule, à savoir la justice et la paix. Elle considère que le requérant tente
de détourner l'article 10 de la Convention de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d'expression à des fins
contraires à la lettre et à l'esprit de la Convention. De telles fins, si elles étaient admises, contribueraient à la
destruction des droits et libertés garantis par la Convention.
En conséquence, la Cour estime qu'en vertu des dispositions de l'article 17 de la Convention, le requérant ne peut
pas se prévaloir des dispositions de l'article 10 de la Convention en ce qui concerne les éléments relevant de la
contestation de crimes contre l'humanité.
Les dérogations en application de la clause des mesures nécessaires dans une société
démocratique
 Document n°8 : CEDH, Rekvény/ Hongrie, arrêt du 20.05.1999 (Gde Chambre)
34. Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’une des exigences provenant de l’expression « prévue par la loi »
est la prévisibilité. On ne peut donc considérer comme « une loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision
pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même
de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences qui peuvent découler d’un
acte déterminé. Elles n’ont pas besoin d’être prévisibles avec une certitude absolue : l’expérience révèle une telle
certitude hors d’atteinte. En outre la certitude, bien que hautement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité
excessive ; or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup de lois se servent-elles,
par la force des choses, de formules plus ou moins vagues dont l’interprétation et l’application dépendent de la
pratique (arrêts Sunday Times c. Royaume Uni (n° 1) du 26 avril 1979, série A n° 30, p. 31, § 49, et Kokkinakis c.
Grèce du 25 mai 1993, série A n° 260-A, p. 19, § 40). La fonction de décision confiée aux juridictions sert
précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l’interprétation des normes (voir, mutatis
mutandis, l’arrêt Cantoni c. France du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, p. 1628, § 32). Le
niveau de précision de la législation interne – qui ne peut en aucun cas prévoir toutes les hypothèses – dépend dans
une large mesure du contenu de l’instrument en question, du domaine qu’il est censé couvrir et du nombre et du
statut de ceux à qui il est adressé (arrêt Vogt précité, p. 24, § 48). Vu la nature générale des dispositions
constitutionnelles, le niveau de précision requis de ces dispositions peut être inférieur à celui exigé d’une autre
législation.
35. La Cour relève l’argument du Gouvernement selon lequel l’article 40/B § 4 de la Constitution, qui renferme
l’expression générique « activités politiques », doit être interprété et lu conjointement avec les dispositions
complémentaires figurant dans les diverses lois citées et le règlement de 1990 (paragraphes 14 à 17, 19 et 31 ci-
dessus). Comme la jurisprudence de la Cour l’a rappelé à de nombreuses reprises, il incombe au premier chef aux
autorités nationales d’interpréter et appliquer le droit interne (voir, par exemple, l’arrêt Chorherr c. Autriche du 25
août 1993, série A n° 266-B, pp. 35-36, § 25). Le requérant n’ayant pas soumis de précédents prouvant le contraire,
la Cour est convaincue que les dispositions détaillées invoquées par le Gouvernement ne peuvent être jugées en
conflit avec le libellé général de la Constitution. En outre, l’adoption de la modification constitutionnelle en question
n’a pas entraîné l’annulation du règlement de 1990, qui était donc en vigueur au moment de la publication des
circulaires contestées. En conséquence, il semble qu’il ait existé à l’époque des faits un cadre de dispositions tantôt
permettant – parfois sous réserve d’autorisation – et tantôt restreignant la participation des policiers à certains types
d’activités politiques.
36. Quant au libellé de ces dispositions, la Cour estime inévitable qu’une conduite de nature à impliquer
participation à des activités politiques ne puisse être définie avec une absolue précision. Il semble dès lors
acceptable que le règlement de 1990 (paragraphe 19 ci-dessus) – ainsi que la loi de 1994 sur la police et le
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règlement de 1995 (paragraphes 18 et 20 ci-dessus) – dicte les conditions à certains comportements et activités
susceptibles de revêtir des aspects politiques, comme par exemple participer à des réunions pacifiques, faire des
déclarations à la presse, s’exprimer dans des émissions de radio ou de télévision, écrire des articles ou adhérer à
des syndicats, associations ou autres organisations représentant ou protégeant les intérêts des policiers.
37. La Cour reconnaît que, dans les circonstances de l’espèce, ces dispositions étaient assez claires pour permettre
au requérant de régler sa conduite en conséquence. En supposant même que des policiers ne fussent pas toujours
en mesure de déterminer avec certitude si une action donnée tombait sous le coup de l’article 40/B § 4 de la
Constitution dans le cadre du règlement de 1990, il leur était néanmoins possible de demander au préalable conseil
à leur supérieur ou de faire préciser la loi au moyen d’une décision de justice.
 Document n°9 : CEDH, Darby c/ Suède, arrêt du 23.10.1990
27. M. Darby se plaint d’avoir dû verser à l’Église de Suède, de 1979 à 1981, 3 065 couronnes d’impôt spécial
destiné à en financer les activités religieuses (paragraphe 16 ci-dessus). Il en résulterait une violation de l’article 9
(art. 9) de la Convention ainsi que de l’article 14, combiné avec lui (art. 14+9) ou avec l’article 1 du Protocole no 1
(art. 14+P1-1).
I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION, COMBINE AVEC L’ARTICLE 1 DU
PROTOCOLE No 1 (art. 14+P1-1)
28. Les griefs du requérant concernent pour l’essentiel des conséquences prétendument discriminatoires de la
législation fiscale suédoise. Dès lors, la Cour trouve plus naturel d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 14 de la
Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1 (art. 14+P1-1), qui a trait au droit de chacun au respect de ses
biens.
29. Aux termes du premier d’entre eux,
"La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention" - et dans le Protocole no 1 (article 5 de celui-
ci) (P1-5) - "doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue,
la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une
minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation."
Le second a la teneur suivante:
"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour
cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois
qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le
paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes."
Selon le M. Darby, le refus de l’exonérer de la partie litigieuse de l’impôt ecclésial pour la seule raison qu’il n’était
pas officiellement enregistré comme résident en Suède a constitué une discrimination par rapport à d’autres
individus, eux aussi non membres de l’Église mais enregistrés de la sorte.
Si deux membres de la minorité de la Commission souscrivent à cette thèse, le Gouvernement estime
disproportionné de considérer comme une discrimination la différence de traitement dont il s’agit.
30. Par son second alinéa, l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1-2) inclut dans son domaine l’obligation de payer
l’impôt. L’article 14 (art. 14) de la Convention s’y applique donc également (voir notamment, mutatis mutandis, l’arrêt
Inze du 28 octobre 1987, série A no 126, pp. 17-18, paras. 36-40).
31. Ce texte protège les personnes placées dans des situations analogues contre toute discrimination dans la
jouissance des droits que leur garantissent la Convention et ses Protocoles, mais une distinction de traitement au
détriment de l’une d’elles n’est discriminatoire qu’à défaut de "justification objective et raisonnable", c’est-à-dire en
l’absence d’un "but légitime" et d’un "rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but
visé" (voir notamment l’arrêt Inze précité, ibidem, p. 18, par. 41).
32. Il appert d’abord que M. Darby peut affirmer s’être trouvé, quant à son droit à une exonération au titre de la loi
de 1951, dans une situation analogue à celles de tiers, eux aussi non membres de l’Église mais officiellement
enregistrés comme résidents.
33. A propos du but de la différence de traitement entre résidents et non-résidents, il échet de relever ce qui suit. Le
projet (1951:175) d’où sortit la loi de 1951 motivait ainsi la décision de réserver aux premiers le droit à exonération:
les arguments invoqués en faveur de la réduction n’avaient pas autant de poids dans le cas des seconds et la
consentir à ceux-ci compliquerait la procédure (paragraphe 22 ci-dessus). De son côté, le projet introduisant les
amendements à l’origine du présent litige (1978/1979:58) ne mentionnait pas la situation spéciale qu’ils créeraient
pour les non-résidents au regard de la loi de 1951 (paragraphe 20 ci-dessus). En fait, à l’audience devant la Cour le
Gouvernement a déclaré ne pas prétendre que la distinction eût un but légitime.
34. Dès lors, la mesure en cause ne saurait passer pour fondée sur un but légitime aux fins de la Convention, de
sorte qu’il y a eu méconnaissance de l’article 14 de cette dernière combiné avec l’article 1 du Protocole no 1 (art.
14+P1-1).
 Document n°10 : CEDH, HandySide c/ Royaume-Uni, arrêt du 07.12.1976
45. Ayant ainsi vérifié que les ingérences litigieuses respectaient la première des conditions du paragraphe 2 de
l’article 10 (art. 10-2), la Cour a recherché ensuite si elles remplissaient également les autres. D’après le
12/17
Gouvernement et la majorité de la Commission, elles étaient "nécessaires, dans une société démocratique", "à la
protection (...) de la morale".
46. La Cour constate pour commencer, avec le Gouvernement et la Commission unanime, que les lois de 1959/1964
ont un but légitime au regard de l’article 10 par. 2 (art. 10-2): la protection de la morale dans une société
démocratique. Seul ce dernier objectif entre en ligne de compte en l’espèce car la destination desdites lois -
combattre les publications "obscènes", définies par leur tendance à "dépraver et corrompre" - se rattache de
beaucoup plus près à la protection de la morale qu’à n’importe laquelle des autres fins admissibles selon l’article 10
par. 2 (art. 10-2).
47. Il incombe à la Cour de rechercher également si la protection de la morale dans une société démocratique
rendait nécessaires les diverses mesures prises contre le requérant et le Schoolbook en vertu des lois de
1959/1964. M. Handyside ne se borne pas à critiquer celles-ci en elles-mêmes: il formule aussi, sur le terrain de la
Convention et non du droit anglais, plusieurs griefs relatifs à leur application à son endroit.
Le rapport de la Commission, puis les débats de juin 1976 devant la Cour, ont révélé de nettes divergences sur un
problème crucial: la méthode à suivre pour déterminer si les "restrictions" et "sanctions" concrètes dénoncées par
l’intéressé étaient "nécessaires, dans une société démocratique", à "la protection de la morale". D’après le
Gouvernement et la majorité de la Commission, le rôle de la Cour consiste uniquement à vérifier que les juridictions
anglaises ont agi de bonne foi, de manière raisonnable et dans les limites de la marge d’appréciation consentie aux
États contractants par l’article 10 par. 2 (art. 10-2). Pour la minorité de la Commission, au contraire, la Cour n’a pas à
contrôler l’arrêt des Inner London Quarter Sessions, mais à examiner d’emblée le Schoolbook à la lumière de la
Convention et d’elle seule.
48. La Cour relève que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt un caractère subsidiaire par
rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme (arrêt du 23 juillet 1968 sur le fond de l’affaire
"linguistique belge", série A no 6, p. 35, par. 10 in fine). La Convention confie en premier lieu à chacun des États
contractants le soin d’assurer la jouissance des droits et libertés qu’elle consacre. Les institutions créées par elle y
contribuent de leur côté, mais elles n’entrent en jeu que par la voie contentieuse et après épuisement des voies de
recours internes (article 26) (art. 26).
Ces constatations valent, entre autres, pour l’article 10 par. 2 (art. 10-2). En particulier, on ne peut dégager du droit
interne des divers États contractants une notion européenne uniforme de la "morale". L’idée que leurs lois
respectives se font des exigences de cette dernière varie dans le temps et l’espace, spécialement à notre époque
caractérisée par une évolution rapide et profonde des opinions en la matière. Grâce à leurs contacts directs et
constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge
international pour se prononcer sur le contenu précis de ces exigences comme sur la "nécessité" d’une "restriction"
ou "sanction" destinée à y répondre. La Cour note à cette occasion que si l’adjectif "nécessaire", au sens de l’article
10 par. 2 (art. 10-2), n’est pas synonyme d’"indispensable" (comp., aux articles 2 par. 2 et 6 par. 1 (art. 2-2, art. 6-1),
les mots "absolument nécessaire" et "strictement nécessaire" et, à l’article 15 par. 1 (art. 15-1), le membre de phrase
"dans la stricte mesure où la situation l’exige"), il n’a pas non plus la souplesse de termes tels qu’"admissible",
"normal" (comp. l’article 4 par. 3 (art. 4-3)), "utile" (comp. le premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1)),
"raisonnable" (comp. les articles 5 par. 3 et 6 par. 1 (art. 5-3, art. 6-1)) ou "opportun". Il n’en appartient pas moins
aux autorités nationales de juger, au premier chef, de la réalité du besoin social impérieux qu’implique en
l’occurrence le concept de "nécessité".
Dès lors, l’article 10 par. 2 (art. 10-2) réserve aux États contractants une marge d’appréciation. Il l’accorde à la fois
au législateur national ("prévues par la loi") et aux organes, notamment judiciaires, appelés à interpréter et appliquer
les lois en vigueur (arrêt Engel et autres du 8 juin 1976, série A no 22, pp. 41-42, par. 100; comp., pour l’article 8 par.
2 (art. 8-2), l’arrêt de Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, série A no 12, pp. 45-46, par. 93, et l’arrêt Golder du
21 février 1975, série A no 18, pp. 21-22, par. 45).
49. L’article 10 par. 2 (art. 10-2) n’attribue pas pour autant aux États contractants un pouvoir d’appréciation illimité.
Chargée, avec la Commission, d’assurer le respect de leurs engagements (article 19) (art. 19), la Cour a
compétence pour statuer par un arrêt définitif sur le point de savoir si une "restriction" ou "sanction" se concilie avec
la liberté d’expression telle que la protège l’article 10 (art. 10). La marge nationale d’appréciation va donc de pair
avec un contrôle européen. Celui-ci concerne à la fois la finalité de la mesure litigieuse et sa "nécessité". Il porte tant
sur la loi de base que sur la décision l’appliquant, même quand elle émane d’une juridiction indépendante. A cet
égard, la Cour se réfère à l’article 50 (art. 50) de la Convention ("décision prise ou (...) mesure ordonnée par une
autorité judiciaire ou toute autre autorité") ainsi qu’à sa propre jurisprudence (arrêt Engel et autres du 8 juin 1976,
série A no 22, pp. 41-42, par. 100).
Son rôle de surveillance commande à la Cour de prêter une extrême attention aux principes propres à une "société
démocratique". La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de pareille société, l’une des
conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article
10 (art. 10-2), elle vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées
comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une
fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il
n’est pas de "société démocratique". Il en découle notamment que toute "formalité", "condition", "restriction" ou
"sanction" imposée en la matière doit être proportionnée au but légitime poursuivi.
D’un autre côté, quiconque exerce sa liberté d’expression assume "des devoirs et des responsabilités" dont
l’étendue dépend de sa situation et du procédé technique utilisé. En recherchant, comme en l’espèce, si des
"restrictions" ou "sanctions" tendaient à la "protection de la morale" qui les rendait "nécessaires" dans une "société
démocratique", la Cour ne saurait faire abstraction des "devoirs" et "responsabilités" de l’intéressé.
50. Dès lors, la Cour n’a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais d’apprécier
sous l’angle de l’article 10 (art. 10) les décisions qu’elles ont rendues dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation.
13/17
Son contrôle se révélerait cependant en général illusoire si elle se bornait à examiner ces décisions isolément; elle
doit les envisager à la lumière de l’ensemble de l’affaire, y compris la publication dont il s’agit et les arguments et
moyens de preuve invoqués par le requérant dans l’ordre juridique interne puis sur le plan international. Il incombe à
la Cour de déterminer, sur la base des divers éléments en sa possession, si les motifs donnés par les autorités
nationales pour justifier les mesures concrètes d’"ingérence" qu’elles adoptent sont pertinents et suffisants au regard
de l’article 10 par. 2 (art. 10-2) (comp., pour l’article 5 par. 3 (art. 5-3), l’arrêt Wemhoff du 27 juin 1968, série A no 7,
pp. 24-25, par. 12, l’arrêt Neumeister du 27 juin 1968, série A no 8, p. 37, par. 5, l’arrêt Stögmüller du 10 novembre
1969, série A no 9, p. 39, par. 3, l’arrêt Matznetter du 10 novembre 1969, série A no 10, p. 31, par. 3, et l’arrêt
Ringeisen du 16 juillet 1971, série A no 13, p. 42, par. 104).
51. Se conformant à la méthode ainsi définie, la Cour a contrôlé sous l’angle de l’article 10 par. 2 (art. 10-2) les
décisions individuelles litigieuses, en particulier l’arrêt des Inner London Quarter Sessions.
Ledit arrêt se trouve résumé aux paragraphes 27-34 ci-dessus. La Cour l’a étudié dans le contexte de l’ensemble de
l’affaire; elle a pris notamment en considération, en sus des plaidoiries prononcées devant elle et du rapport de la
Commission, les mémoires et explications orales présentées à celle-ci de juin 1973 à août 1974 et le compte rendu
des audiences devant les Quarter Sessions.
52. La Cour attache une importance particulière à une circonstance que l’arrêt du 29 octobre 1971 n’a pas manqué
de relever: la destination du Schoolbook. Celui-ci s’adressait en priorité à des enfants et adolescents de douze à dix-
huit ans environ. Rédigé en un style dépouillé, direct et concret, il était aisément accessible même aux moins âgés
d’entre eux. Le requérant avait manifesté son dessein de le diffuser sur une grande échelle. Il l’avait envoyé pour
recension ou pour annonce publicitaire, avec un communiqué de presse, à de nombreux quotidiens et périodiques.
De plus, il avait fixé un prix de vente modique (trente pence), prévu un retirage de 50.000 exemplaires peu après le
tirage initial de 20.000 et choisi un titre donnant à penser qu’il s’agissait en quelque sorte d’un manuel scolaire.
L’ouvrage contenait pour l’essentiel des informations de pur fait, en général exactes et souvent utiles ainsi que l’ont
reconnu les Quarter Sessions. Cependant, il renfermait également, surtout dans la section concernant la sexualité et
dans la sous-section "Be yourself" du chapitre relatif aux élèves (paragraphe 32 ci-dessus), des phrases ou
paragraphes que des jeunes traversant une phase critique de leur développement pouvaient interpréter comme un
encouragement à se livrer à des expériences précoces et nuisibles pour eux, voire à commettre certaines infractions
pénales. Dans ces conditions, malgré la diversité et l’évolution constante des conceptions éthiques et éducatives au
Royaume-Uni les magistrats anglais compétents étaient en droit de croire à l’époque, dans l’exercice de leur pouvoir
d’appréciation, que le Schoolbook aurait des répercussions néfastes sur la moralité de beaucoup des enfants et
adolescents qui le liraient.
Le requérant a pourtant affirmé, en substance, que les impératifs de la "protection de la morale" ou, pour employer
les termes des lois de 1959/1964, de la lutte contre les publications de nature à "dépraver et corrompre", ont
constitué en l’occurrence un simple prétexte. En réalité, on aurait cherché à museler un petit éditeur dont une
fraction de l’opinion publique réprouvait les orientations politiques. Le déclenchement des poursuites aurait eu lieu
dans une atmosphère frisant l’"hystérie", suscitée puis entretenue par des milieux ultra-conservateurs. L’accent mis
par l’arrêt du 29 octobre 1971 sur les aspects "subversifs" (anti-authoritarian) du Schoolbook (paragraphe 31 ci-
dessus) prouverait de quoi il retournait au juste.
Les renseignements fournis par M. Handyside semblent montrer en effet que des lettres de particuliers, articles de
presse et démarches de membres du parlement n’ont pas été étrangères à la décision de saisir le Schoolbook et
d’assigner son éditeur au pénal. Néanmoins, le Gouvernement a fait observer que ces initiatives pouvaient fort bien
s’expliquer non par une machination obscure, mais par l’émotion sincère que des citoyens fidèles aux valeurs
morales traditionnelles avaient ressentie en lisant dans certains journaux, vers la fin de mars 1971, des extraits du
livre qui allait paraître le 1er avril. Il a souligné aussi que le procès s’était achevé plusieurs mois après la "campagne"
dénoncée par le requérant et que celui-ci n’alléguait pas qu’elle eût continué dans l’intervalle. Il en a déduit qu’elle
n’avait nullement altéré la sérénité des Quarter Sessions.
La Cour constate de son côté que l’arrêt du 29 octobre 1971 n’a pas jugé que les aspects "subversifs" du
Schoolbook tombaient en tant que tels sous le coup des lois de 1959/1964. S’il les a pris en considération, c’est
uniquement dans la mesure où en sapant l’influence modératrice des parents, des enseignants, des Églises et des
organisations de jeunesse, ils aggravaient aux yeux de la juridiction d’appel la tendance à "dépraver et corrompre"
qui se dégageait, d’après elle, d’autres parties de l’ouvrage. Il convient d’ajouter que les autorités britanniques ont
laissé diffuser librement l’édition révisée où les passages "subversifs" se retrouvaient pourtant en entier et parfois
même renforcés (paragraphe 35 ci-dessus). Ainsi que l’a noté le Gouvernement, cette circonstance s’accorde mal
avec la thèse d’une cabale politique.
La Cour admet donc que l’arrêt du 29 octobre 1971, appliquant les lois de 1959/1964, avait pour but essentiel de
protéger la morale des jeunes, finalité légitime selon l’article 10 par. 2 (art. 10-2). Partant, les saisies opérées les 31
mars et 1er avril 1971, dans l’attente du résultat des poursuites sur le point de s’ouvrir, tendaient elles aussi à ce but
 Document n°11 : CEDH, Hirst c/ Royaume-Uni, arrêt du 06.10.2006
1. Principes généraux
56. L’article 3 du Protocole no 1 paraît à première vue différent des autres dispositions de la Convention et de ses
Protocoles garantissant des droits car il énonce l’obligation pour les Hautes Parties contractantes d’organiser des
élections dans des conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple et non un droit ou une liberté en
particulier.
57. Toutefois, eu égard aux travaux préparatoires de l’article 3 du Protocole no 1 et à l’interprétation qui est donnée
de cette clause dans le cadre de la Convention dans son ensemble, la Cour a établi que cet article garantit des droits
subjectifs, dont le droit de vote et celui de se porter candidat à des élections (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique,
14/17
arrêt du 2 mars 1987, série A no 113, pp. 22-23, §§ 46-51). De fait, elle a considéré que ce libellé unique en son
genre s’expliquait par la volonté de donner plus de solennité à l’engagement assumé par les Etats contractants et de
souligner qu’il s’agit d’un domaine où ceux-ci sont dans l’obligation de prendre des mesures positives au lieu de se
borner à s’abstenir de toute ingérence (ibidem, § 50).
58. La Cour a rappelé à maintes reprises l’importance des principes démocratiques qui sous-tendent l’interprétation
et l’application de la Convention (voir, entre autres, Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, arrêt du
30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, pp. 21-22, § 45), et profite de l’occasion pour souligner que
les droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1 sont cruciaux pour l’établissement et le maintien des fondements
d’une véritable démocratie régie par l’état de droit (voir aussi, pour l’importance qui est reconnue à ces droits sur le
plan international, les textes internationaux pertinents cités aux paragraphes 26 à 39 ci-dessus).
59. Ainsi que le requérant le fait observer, le droit de vote ne constitue pas un privilège. Au XXIe siècle, dans un
Etat démocratique, la présomption doit jouer en faveur de l’octroi de ce droit au plus grand nombre comme l’illustre,
par exemple, l’histoire parlementaire du Royaume-Uni ou d’autres pays où ce droit a été progressivement étendu, au
fil des siècles, à d’autres personnes que des individus choisis, des groupes d’élite ou des parties de la population
ayant l’approbation du pouvoir en place. Le suffrage universel est désormais le principe de référence (Mathieu-Mohin
et Clerfayt, précité, p. 23, § 51, citant X c. Allemagne, no 2728/66, décision de la Commission du 6 octobre 1967,
Annuaire de la Convention, vol. 10, p. 339).
60. Néanmoins, les droits consacrés par l’article 3 du Protocole no 1 ne sont pas absolus. Il y a place pour des
limitations implicites et les Etats contractants doivent se voir accorder une marge d’appréciation en la matière.
61. L’ampleur de cette marge en l’espèce a suscité un vaste débat. La Cour réaffirme que la marge d’appréciation
en ce domaine est large (Mathieu-Mohin et Clerfayt, précité, p. 23, § 52, et, plus récemment, Matthews c. Royaume-
Uni [GC], no 24833/94, § 63, CEDH 1999-I, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 201, CEDH 2000-IV, et Podkolzina
c. Lettonie, no 46726/99, § 33, CEDH 2002-II). Il existe de nombreuses manières d’organiser et de faire fonctionner
les systèmes électoraux et une multitude de différences au sein de l’Europe notamment dans l’évolution historique,
la diversité culturelle et la pensée politique, qu’il incombe à chaque Etat contractant d’incorporer dans sa propre
vision de la démocratie.
62. Cependant, il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur l’observation des exigences de l’article 3 du
Protocole no 1 ; il lui faut s’assurer que les limitations ne réduisent pas les droits dont il s’agit au point de les
atteindre dans leur substance même et de les priver de leur effectivité, qu’elles poursuivent un but légitime et que les
moyens employés ne se révèlent pas disproportionnés (Mathieu-Mohin et Clerfayt, p. 23, § 52). En particulier,
aucune des conditions imposées le cas échéant ne doit entraver la libre expression du peuple sur le choix du corps
législatif – autrement dit, elles doivent refléter, ou ne pas contrecarrer, le souci de maintenir l’intégrité et l’effectivité
d’une procédure électorale visant à déterminer la volonté du peuple par l’intermédiaire du suffrage universel. On peut
par exemple envisager de fixer un âge minimum en vue d’assurer que les personnes participant au processus
électoral soient suffisamment mûres ou encore, dans certaines circonstances, l’éligibilité peut être soumise à des
critères, telle la résidence, afin d’identifier les personnes qui présentent des liens suffisamment étroits ou continus
avec le pays en question ou nourrissent un intérêt à son égard (Hilbe c. Liechtenstein (déc.), no 31981/96, CEDH
1999-VI, Melnitchenko c. Ukraine, no 17707/02, § 56, CEDH 2004-X). Toute dérogation au principe du suffrage
universel risque de saper la validité démocratique du corps législatif ainsi élu et des lois promulguées par lui.
L’exclusion de groupes ou catégories quelconques de la population doit en conséquence se concilier avec les
principes sous-tendant l’article 3 du Protocole no 1 (...).
[...]
82. La Cour réaffirme dès lors que, si la marge d’appréciation est large, elle n’est pas illimitée. De surcroît, bien que
la situation ait été quelque peu améliorée avec la loi de 2000, qui a accordé pour la première fois le droit de vote aux
personnes en détention provisoire, l’article 3 de la loi de 1983 demeure un instrument sans nuances, qui dépouille du
droit de vote, garanti par la Convention, un grand nombre d’individus, et ce de manière indifférenciée. Cette
disposition inflige une restriction globale à tous les détenus condamnés purgeant leur peine et s’applique
automatiquement à eux, quelle que soit la durée de leur peine et indépendamment de la nature ou de la gravité de
l’infraction qu’ils ont commise et de leur situation personnelle. Force est de considérer que pareille restriction
générale, automatique et indifférenciée à un droit consacré par la Convention et revêtant une importance cruciale
outrepasse une marge d’appréciation acceptable, aussi large soit-elle, et est incompatible avec l’article 3 du
Protocole no 1.
83. Quant aux observations du Gouvernement relatives au fait que la chambre n’a pas indiqué quelles restrictions
au droit de vote des détenus condamnés seraient éventuellement compatibles avec la Convention, la Cour note
qu’elle a en principe pour fonction de statuer sur la compatibilité avec la Convention de mesures existantes. Il
appartient au premier chef à l’Etat en cause de choisir, sous réserve du contrôle du Comité des Ministres, les
moyens à utiliser dans son ordre juridique interne pour s’acquitter de son obligation au regard de l’article 46 de la
Convention (...). Dans les affaires où elle a conclu à une violation structurelle, la Cour a indiqué le type de mesures
susceptibles d’être prises pour mettre un terme à la situation constatée, et ce pour aider l’Etat défendeur à remplir
ses obligations au titre de l’article 46 (...). Dans d’autres affaires exceptionnelles, il arrive que la nature même de la
violation constatée n’offre pas réellement de choix parmi différentes sortes de mesures propres à y remédier, auquel
cas la Cour peut décider de n’indiquer qu’une seule mesure de ce type (Assanidzé, précité, § 202).
84. Dans une affaire telle que l’espèce, où les Etats contractants ont adopté un certain nombre de méthodes
différentes pour traiter la question du droit de vote des détenus condamnés, la Cour doit se borner à déterminer si la
restriction applicable à tous les détenus condamnés purgeant leur peine outrepasse une marge d’appréciation
acceptable et laisser le législateur choisir les moyens de garantir les droits énoncés à l’article 3 du Protocole no 1
(...)
85. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 du Protocole no 1.
15/17
Document n°12 : CEDH, Animal Defenders c/ Royaume-Uni, arrêt du 22.04.2013

(…) De plus, compte tenu de l’importance des intérêts en jeu dans l’application de l’article 10, l’Etat est l’ultime garant du
pluralisme (Informationsverein Lentia et autres c. Autriche, 24 novembre 1993, § 38, série A no 276, et Manole et autres
c. Moldova, no 13936/02, § 99, CEDH 2009).
102. Par ailleurs, la Cour rappelle que l’ampleur de la marge d’appréciation à accorder dépend de plusieurs facteurs.
La marge d’appréciation est définie par le type d’expression en cause ; à cet égard, l’article 10 § 2 de la Convention ne
laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du débat sur des questions d’intérêt
public (Wingrove c. Royaume-Uni, 25 novembre 1996, § 58, Recueil 1996-V). Parmi ces questions figure la protection des
animaux (Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC],no 21980/93, §§ 61-64, CEDH 1999-III, ainsi que VgT Verein
gegen Tierfabriken, précité, §§ 70 et 72, et Mouvement raëlien suisse, précité, §§ 59-61). La marge d’appréciation se
trouve aussi circonscrite par le fort intérêt d’une société démocratique à permettre à la presse de jouer son rôle
indispensable de « chien de garde » (Editions Plon c. France, no 58148/00, § 43, CEDH 2004-IV) : la liberté de la presse
et des autres médias d’information fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et
attitudes des responsables politiques. Il incombe à la presse de communiquer des informations et des idées sur des
questions d’intérêt public, et le public a pour sa part le droit d’en recevoir (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976,
§ 49, série A no 24, et Centro Europa 7 S.R.L. et di Stefano, précité, § 131).
103. La Cour examine donc scrupuleusement la proportionnalité des restrictions à la liberté d’expression de la presse
dans les programmes télévisés portant sur des sujets d’intérêt général (Schweizerische Radio- und Fernsehgesellschaft
SRG c. Suisse, no 34124/06, § 56, 21 juin 2012). Dans le présent contexte, il y a lieu de noter que lorsqu’une ONG
appelle l’attention de l’opinion sur des sujets d’intérêt public elle exerce un rôle de chien de garde public semblable par
son importance à celui de la presse (Vides Aizsardzības Klubs c. Lettonie, no 57829/00, § 42, 27 mai 2004).
104. Pour ces raisons, la marge d’appréciation devant être reconnue à l’Etat dans le présent contexte est en principe
étroite.
105. A la lumière des facteurs exposés ci-dessus, la Cour recherchera si les motifs avancés à l’appui de l’interdiction
étaient « pertinents » et « suffisants » et si, dès lors, l’ingérence litigieuse correspondait à un « besoin social impérieux »
et était proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis. A cet égard, elle rappelle qu’elle n’a point pour tâche de se
substituer aux autorités nationales, mais qu’elle doit vérifier à la lumière de l’ensemble de l’affaire les décisions qu’elles
ont prises dans le cadre de leur marge d’appréciation (Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 45, CEDH 1999-
I).
108. Il ressort de cette jurisprudence que, pour déterminer la proportionnalité d’une mesure générale, la Cour doit
commencer par étudier les choix législatifs à l’origine de la mesure (James et autres, précité, § 36). La qualité de
l’examen parlementaire et judiciaire de la nécessité de la mesure réalisé au niveau national revêt une importance
particulière à cet égard, y compris pour ce qui est de l’application de la marge d’appréciation pertinente (voir, par
exemple, Hatton et autres, § 128, Murphy, § 73, Hirst, §§ 78-80, Evans, § 86, etDickson, § 83, tous précités). Il y a lieu
également de tenir compte du risque d’abus que peut emporter l’assouplissement d’une mesure générale, ce risque étant
un facteur qu’il appartient avant tout à l’Etat d’apprécier (Pretty, précité, § 74). La Cour a déjà jugé qu’une mesure
générale était un moyen plus pratique pour parvenir à l’objectif légitime visé qu’une disposition permettant un examen au
cas par cas, pareil système étant de nature à engendrer un risque non négligeable d’incertitude (Evans, précité, § 89), de
litiges, de frais et de retards (James et autres, § 68, et Runkee, § 39, précités) ou de discrimination et d’arbitraire
(Murphy, §§ 76-77, et Evans, § 89, précités). Cela étant, il ressort aussi de la jurisprudence de la Cour que la manière
dont une mesure générale a été appliquée aux faits d’une cause donnée permet de se rendre compte de ses
répercussions pratiques et est donc pertinente pour l’appréciation de sa proportionnalité, de sorte qu’elle demeure un
facteur important à prendre en compte (James et autres, précité, § 36).
109. Il s’ensuit que plus les justifications d’ordre général invoquées à l’appui de la mesure générale sont
convaincantes, moins la Cour attache de l’importance à l’impact de cette mesure dans le cas particulier soumis à son
examen. Cette méthode qu’adopte la Cour pour examiner les mesures générales s’inspire de l’analyse à laquelle elle a
procédé tant dans l’arrêt VgT que dans l’arrêt Murphy (précités), l’analyse développée dans l’arrêt Murphy ayant été
appliquée également dans l’affaire TV Vest. L’arrêt VgT (no 2) de 2009 (précité) n’est quant à lui pas pertinent, puisqu’il
concernait l’obligation positive pour l’Etat d’exécuter un arrêt de la Cour.
16/17
110. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la question centrale s’agissant de telles mesures n’est pas
de savoir s’il aurait fallu adopter des règles moins restrictives, ni même de savoir si l’Etat peut prouver que sans
l’interdiction l’objectif légitime visé ne pourrait être atteint. Il s’agit plutôt de déterminer si, lorsqu’il a adopté la mesure
générale litigieuse et arbitré entre les intérêts en présence, le législateur a agi dans le cadre de sa marge d’appréciation
(James et autres, § 51, Mellacher et autres, § 53, Evans [GC], § 91, précités).

(…)

Proportionnalité
113. Pour apprécier la proportionnalité de cette mesure générale, la Cour a d’abord passé en revue les contrôles
effectués par le Parlement et par les tribunaux nationaux quant à sa nécessité, ces contrôles revêtant, pour les raisons
exposées aux paragraphes 106 à 111 ci-dessus, une importance cruciale aux fins de l’espèce.
117. De plus, la Cour juge important que l’interdiction ait été conçue de manière à ne viser que le risque de distorsion
contre lequel l’Etat entendait se prémunir et à porter le moins possible atteinte à la liberté d’expression. La mesure ne
s’applique donc qu’à la publicité, en raison de sa nature intrinsèquement partiale (Murphy, précité, § 42), à la publicité
payante, compte tenu du risque d’inégalité d’accès aux médias liés aux disparités de fortune, et à la publicité politique
(comme expliqué au paragraphe 99 ci-dessus), celle-ci ayant été jugée être au cœur du processus démocratique. En
outre, elle est limitée à certains médias (la radio et la télévision), considérés comme les plus influents et les plus onéreux
et comme constituant la pierre angulaire du cadre réglementaire en cause dans la présente affaire. Les limites dont une
restriction est assortie sont des éléments importants pour l’appréciation de sa proportionnalité (Mouvement raëlien
suisse, précité, § 75). En conséquence, il reste à la disposition de la requérante un éventail d’autres médias, qui se
trouvent exposés au paragraphe 124 ci-dessous.
118. La requérante conteste toutefois les raisons avancées à l’appui des choix législatifs opérés quant à la portée de
l’interdiction.
123. De plus, la Cour souligne qu’il n’y a pas de consensus au sein des Etats contractants quant à la manière de
réglementer la publicité politique payante à la radio et à la télévision (paragraphes 65-72 ci-dessus), ce que les parties
s’accordent à reconnaître. Elle rappelle à cet égard que l’absence de consensus au sein des Etats contractants pourrait
constituer un argument en faveur d’une marge d’appréciation quelque peu élargie par rapport à celle normalement laissée
à l’Etat en matière de restrictions à la liberté d’expression sur des sujets d’intérêt public (Hirst (no 2), § 81, TV Vest, § 67,
précités, et Société de conception de presse et d’édition et Ponson c. France, no 26935/05, §§ 57 et 63, 5 mars 2009). Il
est vrai que l’EPRA a souligné que les données comparatives dans ce contexte étaient à manier avec prudence
(paragraphe 65 ci-dessus). Cependant, même s’il peut y avoir aujourd’hui une tendance à l’abandon des interdictions
larges, il n’en demeure pas moins clair que les Etats contractants recourent, pour réglementer ce type de publicités, à une
grande variété de moyens, reflet de la multitude des différences que l’on peut constater dans l’évolution historique, la
diversité culturelle et la pensée politique de ces Etats et, par conséquent, dans leurs visions respectives de la démocratie
(Scoppola (no 3), précité, § 83). L’absence de consensus dans ce domaine est telle que, lorsqu’il a examiné la question
de la publicité politique payante dans les médias de télédiffusion en 1999 et en 2007, le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe s’est abstenu de recommander une position commune à ce sujet (paragraphes 73-75 ci-dessus). Cette
absence de consensus élargit aussi la marge d’appréciation à accorder à l’Etat en matière de restrictions à la liberté
d’expression sur des sujets d’intérêt public.
124. Enfin, la Cour considère que les conséquences qu’a eues pour la requérante l’application de l’interdiction
litigieuse ne l’emportent pas sur les justifications convaincantes, exposées ci-dessus, avancées à l’appui de la mesure
générale litigieuse (paragraphe 109 ci-dessus).
A cet égard, elle rappelle que d’autres moyens de communication restent ouverts à la requérante et qu’il s’agit là d’un
facteur clé pour l’appréciation de la proportionnalité d’une restriction à l’accès à des médias potentiellement
utiles (Appleby et autres, précité, § 48, et Mouvement raëlien suisse, précité, §§ 73-75). En particulier, l’ONG requérante
a toujours accès aux programmes de la radio et de la télévision (c’est-à-dire aux émissions autres que les publicités
payantes) pour s’y exprimer politiquement. Elle a aussi la possibilité de faire diffuser sur ces médias des publicités sur
des sujets non politiques en créant à cette fin une branche associative, démarche dont il n’a pas été démontré que le coût
soit prohibitif. De plus, et c’est là un point important, elle bénéficie pour la diffusion de ses publicités d’un accès sans
entrave aux vecteurs de communication autres que la radio et la télévision, notamment à la presse écrite et à Internet (y
compris aux réseaux sociaux), et elle peut aussi organiser des manifestations et distribuer des affiches et des tracts.
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Même s’il n’a pas été démontré qu’Internet, avec les réseaux sociaux, soit plus influent que la radio et la télévision dans
l’Etat défendeur (paragraphe 119 ci-dessus), il n’en reste pas moins que ces nouveaux médias constituent de puissants
outils de communication, qui peuvent, de manière significative, faciliter à la requérante la réalisation de ses objectifs.
125. Dès lors, la Cour considère que les motifs avancés par les autorités nationales pour justifier l’interdiction faite à
la requérante de diffuser sa publicité sont pertinents et suffisants. La mesure litigieuse ne peut donc s’analyser en une
atteinte disproportionnée au droit de l’intéressée à la liberté d’expression. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 10
de la Convention.
(…)


 Document n°13 : CEDH, Avis sur le projet de Protocole no 15 à la Convention
européenne des droits de l’homme, adopté le 6.02.2013

(..) Article 1 (du Protocole no 15)
4. Cette disposition ajouterait un nouveau considérant à la fin du préambule de la Convention. La Cour avait communiqué au CDDH,
en novembre 2012, un commentairedans lequel elle exprimait des réserves sur le libellé prévu pour cette disposition, sa principale
préoccupation étant que la formulation choisie, qu’elle estimait incomplète, risquait de faire naître une incertitude s’agissant de
l’intention des auteurs. Si le texte en lui-même n’a pas été modifié, l’intention des auteurs a, quant à elle, été précisée : le rapport
explicatif indique à présent que ce considérant « est destiné à … rester cohérent avec la doctrine de la marge d’appréciation telle que
développée par la Cour dans sa jurisprudence ». Cette explication de l’intention des auteurs correspond à la proposition, faite par la
Cour à la fin de son commentaire, que le texte soit plus précis. On peut donc dire que le sens du nouveau considérant est conforme aux
points correspondants de la déclaration de Brighton (en particulier au paragraphe 12b, lu en combinaison avec les paragraphes 10, 11
et 12a). Comme la Cour l’indiquait dans son commentaire au CDDH, il est clair que les Hautes Parties contractantes n’ont eu
l’intention de modifier ni la substance de la Convention ni son système d’application internationale et collective. La Cour aurait
préféré un texte plus élaboré, mais elle est consciente du fait qu’il s’agit d’un compromis entre les Etats afin de parvenir à un accord
sur le protocole dans son ensemble. En toute hypothèse, tant l’explication donnée que le contexte dans lequel le texte a été rédigé ont
une valeur juridique, comme l’illustre la décision Korolev c. Russie (no 25551/05, CEDH 2010), où la Cour s’est appuyée sur le
rapport explicatif du Protocole no14 et sur le Plan d’action d’Interlaken. De plus, le rapport de la réunion pertinente du CDDH – dont
le Comité des Ministres a joint un extrait à la demande d’avis à laquelle il est répondu par la présente – fait partie des travaux
préparatoires du protocole et est donc aussi un élément à prendre en compte aux fins de son interprétation.
5. L’autre principe mentionné dans ce projet de nouveau considérant est celui de la subsidiarité. Ce principe ayant été l’un des thèmes
fondamentaux de la réforme, on ne peut que se féliciter qu’il y soit fait référence dans la Convention. Les termes dans lesquels la
disposition est formulée, ainsi que ceux du rapport explicatif, reflètent la jurisprudence de la Cour dans ce domaine.


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