Evans

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Jean-François Piningre Patrick Mosca Nathalie Bonvalot

Une découverte exceptionnelle dans la vallée du Doubs : le dépôt de vaisselle en bronze de l'Age du Bronze final d'Evans (Jura) : présentation préliminaire
In: Bulletin de la Société préhistorique française. 1999, tome 96, N. 2. pp. 241-245.

Résumé Résumé La découverte fortuite du dépôt de vaisselle de bronze du Bronze final d'Évans (Jura), composé d'une quarantaine de récipients, représente un événement exceptionnel pour la connaissance de ce type de dépôts de prestige en France et en Europe occidentale. L'étude en cours des différents types de récipients représentés (chaudron, passoires, fiasques, tasses et coupes), qu'il partage avec le dépôt de Blanot (Côte-d'Or) d'une part et certains dépôts d'Europe centrale d'autre part, devrait permettre d'apporter de nouvelles bases de réflexions sur la dinanderie du XF-Xe siècle av. J.-C. en Europe occidentale et sur la symbolique de ces ensembles particuliers. Abstract Abstract The chance discovery at Evans (Jura) of a Late Bronze Age hoard consisting of some forty vessels represents an exceptional event for our knowledge of this type of hoard of prestige goods in France and Western Europe. The study at present being undertaken of the various types of vessels represented (cauldron, strainers, flasks, cups and bowls), which it has in common with the hoard from Blanot (Côte-d'Or) on the one hand and with certain Central European hoards on the other, should enable new ideas to be proposed with regard to our way of considering llth-lOth-century ВС bronzeware in Western Europe and the symbolic aspect of these specific groups of artefacts.

Citer ce document / Cite this document : Piningre Jean-François, Mosca Patrick, Bonvalot Nathalie. Une découverte exceptionnelle dans la vallée du Doubs : le dépôt de vaisselle en bronze de l'Age du Bronze final d'Evans (Jura) : présentation préliminaire. In: Bulletin de la Société préhistorique française. 1999, tome 96, N. 2. pp. 241-245. doi : 10.3406/bspf.1999.10946 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1999_num_96_2_10946

Une découverte exceptionnelle dans la vallée du Doubs : le

dépôt de vaisselle en bronze de V Âge du Brome final Jean-François PININGRE, Patrick MOSCA et Nathalie BONVALOT d'Évans (Jura) : présentation préliminaire

en découverte fortuite dépôt de vaisselle de dépôts de prestige exceptionnel pour la connaissance de de récipients, du Bronze finalFrance et (Jura), La Europe occidentale. duquarantaine ce typedifférentsreprésente unenévénement Résumé composé d'uneL'étude en cours des de bronze types de récipients repré d'Évans sentés (chaudron, passoires, fiasques, tasses et coupes), qu'il partage avec le dépôt de Blanot (Côte-d'Or) d'une part et certains dépôts d'Europe centrale d'autre part, devrait permettre d'apporter de nouvelles bases de réflexions sur la dinanderie du XF-Xe siècle av. J.-C. en Europe occidentale et sur la symbolique de ces ensembles particuliers. Abstract The chance discovery at Evans (Jura) of a Late Bronze Age hoard consisting of some forty vessels represents an exceptional event for our knowledge of this type of hoard of prestige goods in France and Western Europe. The study at present being undertaken of the various types of vessels represented (cauldron, strainers, flasks, cups and bowls), which it has in common with the hoard from Blanot (Côte-d'Or) on the one hand and with certain Central European hoards on the other, should enable new ideas to be proposed with regard to our way of conside ring llth-lOth-century ВС bronzeware in Western Europe and the symbolic aspect of these specific groups of artefacts.

UN TYPE DE DEPOTS PEU CONNU EN FRANCE Alors que l'outillage métallique et l'armement de l'Âge du Bronze final sont bien connus dans toute la France par le mobilier de plusieurs dizaines de dépôts et par de nombreux objets recueillis en dragages dans les rivières et les fleuves, la vaisselle métallique de cette époque est peu représentée. De même, les offrandes funéraires de vaisselle en bronze sont rares avant l'extrême fin du Bronze final et le début du 1er Âge du Fer. La trentaine de récipients connus pour cette période provient essen tiellement de quelques dépôts, pour la plupart d'entre eux issus de découvertes anciennes (fig. 1). Bulletin de la Société Préhistorique Française

— Le dépôt de Fresnes (Loir-et-Cher), découvert fo rtuitement en 1952 dans les racines d'un pommier, était composé de trois coupes décorées de bossettes du type de Jenišovice-Kirkendrup, dont l'une servait de cou vercle, contenant une cinquantaine d'appliques à bélière et sept à huit bracelets en bronze (Despriée, 1978). — Celui de Saint-Chély-du-Tarn (Lozère), également connu sous le nom de " trésor de Carnac " (Millotte, 1959), est très proche du précédent. Il a, lui aussi, été découvert fortuitement en 1874 à la suite d'un ravin ement occasionné par un orage. Six tasses et coupes étaient accompagnées d'un lot de parures en bronze : des appliques à bélières, cinq bracelets, une pende loque triangulaire, une bague et deux têtes d'épingles discoïdes. 1999, tome 96, n° 2, p. 241-245

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Jean-François PININGRE, Patrick MOSCA et Nathalie BONVALOT ensemble constituait à ce jour le dépôt de vaisselle de bronze le plus représentatif mis au jour sur le territoire national (Thevenot, 1991). De bonnes observations faites au moment de sa découv ertepermettaient d'obtenir des renseignements précis sur son enfouissement, dans une fosse peu profonde où les objets étaient disposés en quatre lots. Un chaudron contenait, protégés par une coupe décorée de bossettes retournée en guise de couvercle, une grande ceinture à maillons plats de bronze et pendeloques triangulaires, un bracelet réniforme, les restes d'un vêtement de cuir décoré d'appliques circulaires en bronze, une plaque de bronze décorée de motifs circulaires estampés, un collier de cuir à perles de bronze et deux colliers de cuir à perles d'or. Une jarre en céramique renfermait quant à elle sept pendeloques en bronze triangulaires et à pince, deux appliques à bélières, et 591 anneaux de bronze crantés. À côté de ces deux récipients avaient été déposées 1 1 fiasques en tôle de bronze à panse biconique décorée de lignes de bossettes et six jambières à spirales emboîtées les unes dans les autres. D'une richesse nettement supérieure aux dépôts de Fresnes, de Saint-Chély ou de Saint-Martin-sur-le-Pré, le dépôt de Blanot ne diffère toutefois pas fondamenta lementprécédents dans sa composition. Il associait des ainsi de riches parures féminines à une gamme de réci pients variés, représentatifs d'objets de prestiges appar tenant à une élite sans doute enfouis à titre d'offrandes. LE DEPOT D'EVANS Circonstances de la découverte Le dépôt d'Évans (Jura) a été découvert fortuitement le samedi 4 juillet 1998 sur la propriété de monsieur G. Rebillet au lieu-dit " les Carcailles ", lors de l'extraction de terre destinée à l'aménagement d'un jardin. Les objets avaient été chargés dans le godet de la pelle mécanique et dans une benne, lorsque les premiers récipients furent remarqués par l'un de nous (P. M.), de telle sorte que la disposition exacte du dépôt reste inconnue. Il était enfoui au centre d'une dolině comblée de limons argileux à une profondeur qui a pu être estimée à 1,50 m environ. Les observations effec tuées sur place quelques temps après la découverte n'ont pas permis de déceler dans la coupe du terrain, déjà très perturbé, l'existence d'une fosse ou d'un aménagement particulier. Par contre, les traces d'oxy dation et quatre coupes du type de Jenišovice/Kirkendrup empilées, encore maintenues solidaires par les oxydes cuivreux, indiquent que certains récipients avaient été déposés emboîtés les uns dans les autres, sans doute en plusieurs lots. Comme c'est fréquemment le cas lorsqu'il s'agit de dépôts d'objets de bronze, le lieu d'enfouissement apparaît isolé et sans contexte archéologique connu ; mais sans doute une enquête et des prospections complémentaires seront nécessaires pour préciser cette situation. Par contre, le contexte régional est plus signif icatif. Le lieu de la découverte est situé en bordure d'un plateau calcaire dominant d'une quarantaine de 1999, tome 96, n° 2, p. 241-245

56-Pfaffenhoff.} -sur-le-Pr 234-FBlanol "leysn-du-Tarn "Cama l-ÉSaint-Marti - t-Chél

Fig. 1 — Carte de localisation des dépôts de vaisselle en bronze (étoiles) et des récipients isolés (points) de l'Âge du Bronze final en France.

— Dans le dépôt de Saint-Martin-sur-le-Pré (Marne) huit objets circulaires plaqués d'or et décorés de cannel ures, plus connus chez les spécialistes sous le nom de sphéroïdes, reflètent ici le caractère exceptionnel des objets déposés dans ces vases. Ils avaient été enfouis dans une tasse carénée en bronze recouverte d'un second récipient, le tout contenu dans une grande tasse à pied tronconique rapporté. Alors que les dépôts de Fresnes et de Saint-Chély-du-Tarn peuvent être datés du XF-Xe siècle av. J.-C, le style des tasses du type Stillfried-Hostomice qui accompagnaient ce dernier dépôt le situe sans doute un peu plus récemment dans le courant du IXe siècle av. J.-C. Quelques coupes et tasses en bronze déposées en guise d'offrandes dans des sépultures de la phase initiale du Bronze final en Alsace : Geispolsheim (Forrer, 1910), Pfaffenhoffen (Hennig, 1912) et en Haute-Saône: Beaujeu (Pothelet, 1901), ou retrouvées sans contexte connu comme la coupe de Roeschwoog (Bas-Rhin) (Frey, 1928-1929) tout à fait comparable à celle de Fresnes, complétaient jusqu'à une date récente cet inventaire bien modeste par rapport à celui des découv ertes d'Allemagne, d'Autriche et d'Europe centrale. En 1982, la découverte fortuite du dépôt des "Jonchères " à Blanot (Côte-d'Or), à la suite de la chute d'un arbre dans une forêt de la bordure orientale du Morvan, est venue modifier sensiblement ce panorama. Par la variété des récipients représentés, mais aussi par la richesse des parures qui leur étaient associées, cet Bulletin de la Société Préhistorique Française

Le dépôt de vaisselle en bronze de l'Âge du Bronze final d'Évans (Jura) présentation préliminaire mètres la rive nord de la basse vallée du Doubs, à une trentaines de kilomètres en amont de sa confluence avec la Loue puis la Saône. Cet élargissement de la moyenne vallée du Doubs constitue un des axes de peuplement et de circulation majeurs entre la bordure occidentale du Jura, notamment la région de Salins, et la plaine de la Saône. Le choix de l'enfouissement dans une dolině aux parois escarpées évoque par sa particul arité topographique d'autres sites de dépôts que ce soit des anfractuosités de rocher, des grottes, des sources, des marécages ou des rivières. Composition du dépôt Le dépôt d'Évans se distingue des précédents dans la mesure où il se compose exclusivement de vaisselle métallique (fig. 2). La majorité des surfaces de ces réci pients est recouverte d'oxydes, bien que des plages de métal vif plus ou moins étendues apparaissent sur que lques-uns d'entre eux. Quatorze récipients sont complets ou peu endommagés. Le restant présente des :

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dégradations, quelquefois importantes, et des lacunes dues aux conditions de la découverte : déchirures, fra gmentations, déformations, écrasements. La plupart des fragments manquant ont été recueillis dans le tri des déblais et permettront une restitution de la plus grande partie des récipients endommagés. Les traces de martelage et de montage de ces récipients en tôle de bronze battue et sertie sont bien visibles sur les exemplaires les moins oxydés. La plupart d'entre eux sont décorés de motifs de bossettes et de pointillés emboutis de l'intérieur, technique largement usitée en Europe au Bronze final sur la vaisselle et sur l'arme ment défensif comme les cuirasses et les cnémides. La quarantaine de récipients identifiés à ce jour pré sente une variété de formes inégalée dans les autres dépôts français. Les coupes et les tasses carénées déco rées de lignes de bossettes et de pointillés au repoussé sont apparentées au type de Jenišovice/Kirkendrup (fig. 3). Déjà présentes dans les dépôts de Fresnes, de Saint-Chély-du-Tarn et de Blanot, elles composent ici près du tiers de l'ensemble. Elles étaient accompagnées

Fig. 2 — Vue générale du dépôt d'Évans.

Fig. 3 — Coupe du type de Jenisovice-Kirkendrup présentant une réparation sous le rebord. Bulletin de la Société Préhistorique Française 1999, tome 96, n° 2, p. 241-245

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Jean-François PININGRE, Patrick MOSCA et Nathalie BONVALOT

Fig. 4 — Chaudron à attaches d'anses cruciformes.

Fig. 5 — Fiasques du type Blanot.

d'un chaudron à attaches d'anses cruciformes (fig. 4), modèle fréquent dans le bassin carpatique et également représenté à Blanot, de tasses demi-sphériques, de deux passoires, d'un vase à col tronconique et panse biconique également décorée de bossettes au repoussé dont le profil est comparables à des exemplaires en céramique fréquemment en usage au Bronze final dans nos régions. Enfin, un lot de fiasques à panse biconique décorées de lignes de bossettes et de points est tout à fait comparable à celles de Blanot (fig. 5). Les comparaisons avec des dépôts contenant des réci pients semblables comme le chaudron, les coupes du Bulletin de la Société Préhistorique Française

type de Jenišovice/Kirkendrup et les fiasques, re trouvés en Hongrie, en Bohème ou en Allemagne et plus près de nous en Bourgogne à Blanot (Côte-d'Or), permettent en première analyse de situer le dépôt d'Évans au XF-Xe siècle av. J.-C. L'intérêt du dépôt d'Évans Le lot de vaisselle du Bronze final d'Évans appartient à une catégorie de dépôts de prestige particulièrement bien connus en Europe centrale, regroupant les él éments d'un ou plus vraisemblablement ici de plusieurs 1999, tome 96, n° 2, p. 241-245

Le dépôt de vaisselle en bronze de l'Âge du Bronze final d'Évans (Jura) : présentation préliminaire services à boire : récipients de grand contenant, pas soires pour filtrer, puisoirs, coupes et tasses pour la consommation. Dans le contexte de l'Europe occidentale, cette décou verterevêt un intérêt exceptionnel, compte tenu de la rareté des dépôts de vaisselle de l'Âge du Bronze final connus en France et du nombre important de réci pients qu'il contient, qui supplante numériquement les dépôts de vaisselle de bronze de France et d'Alle magne. Avec celui de Blanot, le dépôt d'Évans contri bue recentrer vers l'ouest l'aire de répartition de ce à type d'ensembles de prestige considérés comme repré sentatifs de l'Âge du Bronze final d'Europe centrale. Par sa composition, le dépôt d'Évans offre également de nouvelles perspectives d'études de la dinanderie de la fin de l'Âge du Bronze en Europe de l'ouest et plus particulièrement dans le domaine jurassien et Bourgui gnon. récipients communs qu'il partage avec le dé Les pôt de Blanot, récemment publié, notamment les fia sques quasi inconnues dans les autres dépôts européens, ouvrent des possibilités d'études comparatives ina ttendues entre ces deux dépôts de l'est de la France. La série de coupes et de tasses carénées du type de

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Jenišovice/Kirkendrup, qui constituent le type domi nant du dépôt d'Évans, est de loin la plus importante recueillie dans un même ensemble à l'échelle euro péenne et dépasse celle du site éponyme tchèque de Jenišovice. D'autres récipients se distinguent par leur singularité, ou font référence à des exemplaires bien représentés en Hongrie, en Bohème ou en Moravie. L'étude du dépôt d'Évans devrait donc permettre d'apporter un éclairage nouveau sur la répartition et la diffusion à l'échelle trans-européenne de ces product ions offrir une nouvelle base de réflexion sur la sym et bolique de la composition et des conditions d'enfoui ssement ces ensembles particuliers dont la significa de tion fait encore l'objet d'interprétations diverses sociale (Verger, 1990, Brun, 1996)1. ■ NOTE (1) Le dépôt d'Évans a été acquis par le musée d'archéologie de Lonsle-Saunier grâce à une participation financière de la ville de Lons-leSaunier, de la Région Franche-Comté et du Ministère de la Culture — Direction des Musées de France. Son étude a été entreprise dans le cadre de l'U.M.R. 5594 du C.N.R.S. " Archéologies, cultures et sociétés — la Bourgogne et la France orientale du Néolithique au Moyen-Âge ". Il figure sur la couverture des quatre Bulletins de la Société Préhistorique Française de 1999.

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Bulletin de la Société Préhistorique Française

1999, tome 96, n° 2, p. 241-245

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